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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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plus grand et plus fort,
était parfois tenté de le frapper. Lonzano lui conseilla l'indifférence.
    « Même
chez nous, Aryeh n'a jamais été des plus aimables et il n'a pas l'âme d'un
voyageur. Quand nous avons quitté Mascate, moins d'un an après son mariage, il
n'avait pas envie de laisser son enfant. Nous avons tous une famille. C'est dur
parfois d'être loin de chez soi, surtout pendant le sabbat et les fêtes...
Voici vingt-sept mois que nous sommes partis.
    – Si cette vie
de marchand est à ce point dure et solitaire, pourquoi l'avoir choisie ?
    – C'est pour
un Juif le seul moyen de survivre. »
    Ils
contournèrent le lac Urmiya par le nord-est et se retrouvèrent dans les hautes
montagnes désertiques, où ils firent halte chez les Juifs de Tabriz et de
Takestan. C'étaient, comme en Turquie, d'austères villes dont les habitants
vivaient autour du puits communal. Kachan, elle, avait une particularité :
un lion ornait la porte de la cité. Une bête fameuse, mesurant quarante-cinq
empans du nez à la queue, et qui avait été abattue par le père de l'actuel
empereur, après avoir décimé pendant sept ans le bétail de la région. Il était
bourré de chiffons, avec des abricots secs à la place des yeux et un morceau de
feutre rouge en guise de langue. Des générations de mites avaient mangé par
places son pelage desséché, mais il avait des pattes comme des colonnes et
gardait des dents si longues et si acérées que Rob, en les touchant, en eut le
frisson.
    Le rabbenu de
Kachan était un homme trapu, roux, encore jeune et pourtant célèbre déjà pour
son érudition.
    « La
route du sud n'est pas sûre, leur dit-il. Vous vous heurterez aux Seldjoukides.
Leurs soldats sont plus fous que les bandits.
    – Ce sont, dit
Lonzano, des pasteurs qui vivent sous la tente. Des tueurs et de redoutables
guerriers. Ils sévissent des deux côtés de la frontière entre la Perse et la
Turquie. Nous n'avons que deux solutions : ou attendre ici pendant des
mois, une année peut-être, la fin des troubles, ou éviter la montagne en allant
à Ispahan par le désert et la forêt. Je ne connais pas le Dacht-i Kevir, mais
j'ai traversé d'autres déserts, qui sont terribles.
    – Grâce au ciel,
vous n'aurez à en traverser qu'une partie, en voyageant trois jours, vers l'est
puis vers le sud. Nous vous expliquerons le chemin. »
    Ils se
regardèrent sans rien dire. Puis Loeb, enfin, rompit le lourd silence et il
exprima ce que tous les quatre pensaient.
    « Je n'ai
pas envie de rester ici une année. »
    Ils achetèrent
chacun une grande outre en peau de chèvre qu'ils remplirent avant de quitter
Kachan. C'était lourd.
    « Nous
faut-il tant d'eau pour trois jours ? dit Rob à Lonzano.
    – Un accident
peut nous retenir longtemps dans le désert, et puis tu dois partager ton eau
avec tes bêtes car nous aurons des ânes et des mules là-bas. Pas des
chameaux. »
    Un guide les
conduisit jusqu'à l'endroit où partait de la route une piste à peine visible.
Le Dacht-i Kevir commençait par une crête argileuse où ils avancèrent d'abord
d'un bon pas, mais la nature du sol changea peu à peu et vers midi, sous un
soleil de plomb, ils se retrouvèrent luttant dans une épaisseur de sable si fin
que les sabots des bêtes s'y enfonçaient. Descendus de leurs montures, ils
pataugèrent à leur tour, misérablement.
    Rob croyait
rêver : un océan de sable, à perte de vue, avec des dunes comme des vagues
et, ailleurs, comme un lac tranquille à peine ridé par le vent. Pas de vie, pas
un oiseau dans le ciel, pas un insecte ni un ver. Dans l'après-midi, ils
dépassèrent un tas d'os blanchis, restes d'hommes et d'animaux que les nomades
avaient rassemblés là pour en faire un point de repère. C'était un désert de
sel. Ils longeaient parfois des marais de boue salée qui leur rappelaient les
rives du lac Urmiya. Après six heures de marche, ils s'arrêtèrent, épuisés, à
l'ombre d'une dune, pour repartir un peu plus tard jusqu'au crépuscule.
    « Il
vaudrait peut-être mieux voyager la nuit et dormir dans la chaleur du jour,
suggéra Rob.
    – Non !
dit vivement Lonzano. Quand j'étais jeune, j'ai traversé un désert de sel comme
celui-ci avec mon père, deux oncles et quatre cousins. Nous avions décidé de
voyager la nuit et il nous est arrivé malheur. Pendant la saison chaude, les
lacs et les marais salés s'assèchent rapidement ; la croûte qui se forme
ici ou là en surface peut céder

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