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Le médecin d'Ispahan

Le médecin d'Ispahan

Titel: Le médecin d'Ispahan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Noah Gordon
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penser, dit Lonzano, visiblement choqué.
    – Ce n'est pas
par curiosité que je t'interroge, mais parce que je veux devenir
médecin. »
    Aryeh lui jeta
un regard noir. Lonzano attendit un long moment puis il parla.
    « Nous
nous étions égarés et chacun était responsable de son eau : interdit de la
partager. La chaleur lui avait fait perdre la tête et il a tout bu. Bientôt il
s'est mis à vomir mais il n'avait plus de liquide à rejeter. Sa langue est
devenue noire, son palais d'un blanc grisâtre. Son esprit vagabondait, il se
croyait dans la maison de sa mère. Ses lèvres se sont ridées, les dents
découvertes dans sa bouche béante en un rictus féroce. Il passait du halètement
au râle. Désobéissant à la faveur de la nuit, j'ai pressé dans cette bouche un
linge mouillé, mais c'était trop tard. Il est mort au bout de deux
jours. »
    Ils restèrent
silencieux dans l'eau brune. Puis Rob se mit à chanter «  Ai ,
di-di-di, ai, di-di, ai , di ! » regarda Lonzano dans les yeux
et ils se sourirent.
    Le lendemain,
ils repartirent dès l'aube et rencontrèrent d'innombrables petits lacs entourés
de prairies. Rob en fut ravi. L'herbe haute sentait délicieusement bon ;
elle était pleine de sauterelles, de criquets et de petits moustiques dont la
piqûre cuisante lui causait des démangeaisons. Quelques jours plus tôt, il
aurait tant aimé voir le moindre insecte ! Maintenant il oubliait les
magnifiques papillons des prairies pour écraser d'une claque ces bestioles qu'il
maudissait.
    « Seigneur !
Qu'est-ce que c'est ? » cria tout à coup Aryeh, en montrant au loin
un énorme nuage comme celui qu'ils avaient affronté dans le désert.
    Mais celui-ci
approchait dans un martèlement de sabots, telle une armée qui charge. Ils attendaient,
pâles et angoissés. Alors il y eut un brusque fracas ; on eût dit que
mille cavaliers freinaient à la fois leurs chevaux. D'abord on ne vit rien,
puis, la poussière retombant, apparut une foule d'ânes sauvages, alignés de
front. Hommes et bêtes se regardèrent avec curiosité.
    «  Hai  ! »
hurla Lonzano et le troupeau tourna ride pour repartir vers le nord.
    Ils
dépassèrent encore de petits groupes d'ânes et d'immenses troupeaux de
gazelles, rarement chassés à en juger par leur indifférence à l'égard des
hommes. Les sangliers étaient plus inquiétants avec leurs défenses et leurs
grognements. On se mit à chanter, à l'instigation de Lonzano, pour avertir les
cochons sauvages qui, sinon, pris de peur auraient pu charger.
    Arrivés devant
une rivière au courant rapide, entre deux talus abrupts couverts d'aneth, ils
cherchèrent en vain un gué et durent pousser leurs bêtes dans l'eau. Ce fut un
passage difficile, car, sur l'autre rive, la berge était raide et glissante.
Dans un air chargé de jurons et du fort parfum de l'aneth écrasé, il fallut du
temps pour en venir à bout. Au-delà de la rivière, des bois sauvages
rappelèrent au jeune barbier les pistes forestières qu'il avait suivies avec
son maître. Qu'auraient pensé ses compagnons s'il avait soufflé dans sa corne
saxonne ?
    A un détour du
chemin, sa monture broncha : au-dessus d'eux, sur une large branche, une
panthère s'apprêtait à bondir. L'âne recula, la mule sentit l'odeur du fauve,
qui peut-être flaira la peur grandissante. Tandis que Rob cherchait une arme,
la bête sauta.
    Une longue et
lourde flèche, lancée avec une force prodigieuse, claqua dans son œil droit.
Ses griffes labourèrent le flanc du malheureux âne quand elle s'effondra sur
Rob, le désarçonnant. Il se retrouva par terre, étouffant dans l'odeur musquée
du félin dont il avait sous les yeux la fourrure noire et lustrée, la patte
monstrueuse au-dessous feutré ; une griffe manquait à un des doigts, à vif
et sanglant, ce qui confirmait bien que ce fauve-là n'avait pas des yeux
d'abricots secs ni une langue en feutre rouge.
    Des hommes sortirent des fourrés
et leur maître parut, tenant encore son arbalète. II était vêtu d'indienne
rouge matelassée de coton, de culottes grossières, de souliers de chagrin et
d'un turban négligemment drapé. La quarantaine, solidement charpenté, il se
tenait droit, avec une courte barbe noire, un nez aquilin, et dans l'œil encore
le regard du tueur, tout en surveillant ses rabatteurs qui délivraient le grand
jeune homme du cadavre de la panthère.
    Rob se releva tremblant, les
tripes nouées.
    « Rattrapez ce crétin d'âne
», dit-il

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