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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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l’emmener. Il
rit des émois, se moque d’elle qui insiste :
    — Versailles
est un pays effroyable et il n’y a pas de tête qui n’y tourne. La cour change
les meilleurs.
    — Elle ne
te changera pas. J’ai plus confiance en toi que toi-même.
     
    Un autre jour
Athénaïs arrive, rouge et gênée, avec un nouveau collier de perles. Elle se
cache le front sur le cœur de son mari aux odeurs de réglisse et de fleur
d’oranger : « Il est encore temps de partir. »
    Louis-Henri,
en robe de chambre des Indes, sourit et s’amuse à la vouvoyer :
    — Expliquez-vous,
madame !
    — Que je
m’explique ? Sache donc que cette fête dont tout le monde parle, intitulée
« Amours déguisés » où je figurerai en nymphe marine et Sa Majesté en
Neptune brandissant un trident de bois doré, le roi la donne pour moi.
    — Eh
bien, n’es-tu pas assez belle pour qu’on te donne des fêtes ?
    — Louis-Henri,
puisqu’il faut te le dire, le roi est amoureux de moi.
    — Eh
bien ! L’amour du roi n’est pas une injure.
    — Louis-Henri,
j’ai peur.
    — Mais de
quoi ?
    — La nuit
dernière, à Versailles, j’ai fait un rêve. Dans ce rêve, je gravissais une
montagne. Parvenue au sommet, je fus éblouie par un nuage brillant avant de
plonger dans une obscurité si profonde que la peur m’a réveillée.

 
13.
     
     

     
    — Louis-Henri,
penses-tu que je sois le diable ?
    — Mais
non, pourquoi tu dis ça ? Tu me prends pour Marie-Christine ? Est-ce
que tu vas me faire aussi : « Rooh... Oh, oh, oh !...
Gru-gru-gru » ?
    Une nuit
claire, dans leur lit à colonnes torsadées de la rue Taranne, la marquise a
soulevé ses paupières et sorti son mari du sommeil. Tous les reflets infiniment
pâles de la lune remuent sur son visage. Ses yeux sont deux grands trous. Elle
dit à son époux une histoire qu’elle ne lui a jamais racontée :
    — Pendant
mon enfance à Lussac, je frissonnais souvent de peur en écoutant, le soir, ma
nourrice relater la légende familiale d’une ancêtre du XVI e siècle. Renée Taveau, fille du baron de
Mortemart, avait épousé mon bisaïeul, François de Rochechouart. Mais la jeune mariée
tomba vite malade et agonisa. Elle ne respirait plus, son pouls ne battait
plus, on l’ensevelit, alors qu’elle n’avait pas encore vingt ans, avec sa bague
de diamant d’une belle eau. « Cette pierre est trop scintillante pour
rester dans l’obscurité d’un caveau », avait songé un valet cupide. Il
attendit la nuit pour violer la sépulture et voler le bijou. Mais impossible de
faire glisser la bague du doigt plié et raidi. Alors il décida de le couper en
mordant l’articulation. Quand il plongea ses dents dans la chair glacée, la
« morte » s’éveilla brusquement dans un hurlement. Bien entendu, on
eut vite fait de parler de Renée comme d’une créature diabolique animée de
pouvoirs surnaturels. Cependant, le mari fut si heureux de retrouver sa femme
qu’il lui donna un enfant  – mon grand-père.
    Sous la
couverture de maille de Hollande, les Montespan nus se réchauffent en mêlant
leurs âmes, Athénaïs énonce à son époux dans des grincements du lit de
noyer :
    — Je suis
la résurrection d’un corps mort...
    — Tu veux
dire un miracle ? Ça, je le savais que tu étais un miracle.
    — Est-ce
que tu crois que je suis un démon ?
    Louis-Henri se
braque par-dessus sa blonde au sexe mangeur  – anthropophage cher qui veut
le lait de sa Chair. Quant aux autres femmes, oh, là, là ! guère il n’y
pense. ELLE est là, élastique et rafraîchissante à l’infini de ses rêves. Il
tourne saint, on croit. Une prière est fredonnée à voix si basse qu’on entend
comme un vol d’anges qui passe. Puis... tais, morale, tes murmures, leurs nœuds
intimes deviennent incoercibles.

 
14.
     
     
    —  Dans
les jardins d’mon père les lilas sont fleuris,
    Dans les
jardins d’mon père les lilas sont fleuris ; tous les oiseaux du monde
vienn’(nt) y faire leur nid
    Auprès de
ma blonde
    Qu’il fait
bon, fait bon, fait bon,
    Auprès de
ma blonde
    Qu’il fait
bon dormir.
    —  Tous
les oiseaux du monde vienn’(nt) y faire leur nid.
    Tous les
oiseaux du monde vienn’(nt) y faire leur nid,
    La caill’,
la tourterelle et la jolie perdrix.
     
    Sur la grande route
royale qui va vers Bordeaux, un miquelet à pied, en uniforme et tête de
colonne, gueule à tue-tête les couplets d’une chanson dont les autres

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