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Le Monstespan

Le Monstespan

Titel: Le Monstespan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Teulé
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faiseur de talons de bois. Il utilise du bois trop frais. Je lui ai acheté
une fois des talons qui se sont vite fendus. Et aux coups que je percevais, je
savais que c’était sur son bois pas assez sec qu’on frappait. Ça se reconnaît,
ça, à la tonalité..., continue-t-il en claquant plusieurs fois ses doigts près
d’une oreille et bousculant ainsi sa perruque poussiéreuse qui poudroie.
    Louis-Henri
tousse dans le rayon et recule sa tête. L’accoucheur Clément y laisse la
sienne. C’est un rougeaud quinquagénaire qui transpire. Il a un nez boursouflé
d’ivrogne. Montespan l’écoute.
    — En
entrant seul dans la chambre, les yeux bandés, je me suis exclamé :
« Ah, ah, il paraît que je dois aller prendre un enfant au lieu où il est,
à tâtons comme on l’y a mis ! » Au fond d’un lit et dans ses
premières douleurs, il y avait une jeune dame particulièrement bien faite que
je sentais du bout des doigts  – une statue humaine comme il n’en existe
que dans les parcs, une femme faite pour un seigneur de l’Olympe. À côté,
nerveux et inquiet, se trouvait un petit homme debout (sa voix ne venait pas de
haut). Je lui ai demandé si je me trouvais dans la maison de Dieu, où il n’est
permis ni de boire ni de manger ; que pour moi, j’avais grand faim étant
parti de chez moi au moment de me mettre à souper. Le petit homme ne se fit pas
prier. Il me tendit un pot de confiture et du pain : « N’épargnez ni
l’un ni l’autre, il en reste. » Je le crois, répondis-je, mais la cave
serait-elle moins garnie ? Vous ne me donnez pas de vin et j’étouffe. Le
petit homme s’agaça : « Un peu de patience, je ne puis être partout à
la fois. » A la bonne heure, repris-je en recevant une coupe remplie à ras
bord. Ce monsieur ne doit pas être un bourgeois  – trop de bruits de
bagues extravagantes autour de ses doigts ont entrechoqué le verre, et à la
manière dont il a tendu le vin, j’ai compris qu’il n’était pas du tout habitué
à servir...
    Le praticien
recule sa tête dans la pénombre. Louis-Henri, de plus en plus intéressé par les
propos de son compagnon de cellule, avance la sienne à l’intérieur du faible
rayon de clarté : « Continuez. » L’accoucheur Clément
reprend :
    — Quand
j’eus bu, l’homme me demanda : « Est-ce tout ? » Pas
encore..., lui répondis-je. Un second godet pour boire avec vous à la santé de
la commère ! L’homme ayant répondu non, je lui dis en souriant que la
femme grosse n’en accoucherait pas si bien et que, s’il avait envie que
l’enfant fût beau et fort, il fallait qu’il boive à sa santé. Ainsi, pour
l’amour de sa progéniture, il chinqua avec moi. C’est à ce moment-là qu’un cri
aigu fut arraché par le premier essor vers le monde du nourrisson. L’enfant se
présenta par le siège mais sortit facilement. J’ai palpé ses petons pour
vérifier si tout allait bien, remonté mes mains à l’intérieur de ses petites
pattes  – c’est un garçon  – puis j’ai noué le cordon. Mes paumes sur
sa poitrine, où le cœur battait très vite, ont continué jusqu’à son cou frêle
et c’est alors que la main pleine de bagues du petit homme me bloqua le poignet
et qu’il appela : « Lauzun ! » Les gonds de la porte qui
donne sur le palier grincèrent. Le crissement du cuir des bottes, de ce Lauzun
sans doute, s’approcha. J’entendis aussi venir les grains de millet dans le
hochet de la nourrice à qui la voix du petit homme ordonna : « Vous
seule resterez au secret près de lui qui n’aura pas de nom. » « À
votre service, répondit la soubrette. Je ne sortirai que pour aller prier dans
la chapelle voisine à la messe de onze heures. » Ensuite, alourdi d’une
bourse, je repris gaiement le chemin pour retourner, je croyais, à la maison
mais je fus conduit ici, à Fort-l’Évêque (que j’ai reconnu aux cris des bêtes
qu’on tue dehors), où depuis j’attends quoi ? Qui ? Vous ?
    Montespan se
recule dans l’obscurité. Il réfléchit
puis l’accoucheur écoute la voix du marquis lui demander :
    — Lorsqu’une
femme mariée accouche, son mari est bien toujours considéré comme le
père ?
    — Ah oui,
répond le praticien. Et ce, qui que soit le géniteur. Le mari reste en légalité
le père selon le principe fondamental du droit romain Is pater quem nuptiae
demontrant !
    — Et
donc, le mari peut alors disposer de tous les droits sur cet

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