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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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des frustrations
évidentes que le fils n’est pas près d’oublier, ni de pardonner à son père au
moment où il décide précisément de « tuer le Père ». Se débarrasser
du Dragon, c’est effectivement se débarrasser de l’image encombrante du Père, avec
tout ce qu’il représente d’interdits et de contraintes.
    Mais tuer le Dragon est chose dangereuse. Si le dieu Odin n’avait
pas conseillé à Sigurd de creuser plusieurs fosses pour répartir le sang du
monstre, le héros eût été noyé par sa propre victoire. Il ne suffit pas en
effet de se lancer hardiment contre l’ennemi, il faut prévoir que celui-ci
réagira en fonction de sa puissance qui est nécessairement sans commune mesure
avec celle des humains. Donc, seuls des héros courageux certes, mais surtout
intelligents, peuvent se tirer d’affaire devant un monstre qui, pourtant, par
définition, représente les forces brutales et instinctives de l’être. Le
doublet du combat contre le Dragon peut alors être le combat du petit homme
contre le Géant, du type de la lutte entre David et Goliath : la ruse et l’intelligence
pourvoient à la faiblesse physique du héros. De toute façon, le héros qui a la
chance de pouvoir tuer ou dompter le Dragon accomplit un exploit envers
lui-même : il transgresse sa propre peur et transcende sa propre puissance,
devenant du même coup sinon l’égal de sa victime, du moins un personnage
capable d’assurer à la collectivité qu’il représente l’équilibre et l’harmonie
dont elle a besoin. Ainsi Tristan rend-il la paix au royaume d’Irlande en tuant
le Serpent crêté. Mais il avait déjà éliminé le Morholt qui venait jeter la
perturbation dans le royaume de son oncle. Ainsi Thésée, en tuant le Minotaure,
débarrasse-t-il la Crête d’un monstre, équivalent du Dragon, qui constitue une
aberration de la nature, une aberration morale, une aberration sociale. Ainsi
Persée écarte-t-il l’image trop repoussante de la Méduse. Ainsi Sigurd fait-il
justice en tuant un monstre qui s’est emparé indûment d’un trésor d’ailleurs maudit.
Ainsi l’Archange Michel renvoie-t-il dans les Ténèbres le Dragon des
Profondeurs qui voulait envahir les domaines célestes. À chacun sa place, et le
monde tournera normalement.
    Il y a cependant, semble-t-il, quelques avantages à tuer le
Dragon, même si ces avantages se révèlent en définitive très ambigus et s’ils
peuvent conduire à des catastrophes. C’est particulièrement net dans le cas de
Sigurd-Siegfried. En tuant Fafnir, Sigurd s’empare en effet de l’Or du Rhin. Ce
n’est pas original. Dans la tradition galloise, Peredur, en tuant le Serpent
qui a une pierre dans la queue, s’empare de cette pierre qui permet de
fabriquer autant d’or qu’on veut : c’est l’équivalent de la Pierre
philosophale des Alchimistes et du fameux anneau d’Andvari. En dénouant les
enchantements du château de la Douloureuse Garde, et en y tuant des monstres
plus ou moins dragonesques, Lancelot du Lac apprend son propre nom et est
déclaré propriétaire des lieux qu’il rebaptise immédiatement « Joyeuse
Garde ». De la même façon, Jason s’empare de la Toison d’Or, et le héros
irlandais Finn mac Cumail, après avoir tué une truie monstrueuse, acquiert la
connaissance magique. Quant au héros d’un conte occitan, La grande Bête à tête d’homme [54] ,
après avoir vaincu intellectuellement le monstre et l’avoir ensuite saigné, il
s’empare des immenses richesses que contenait la caverne.
    Le conte occitan de La grande Bête
à tête d’homme offre un très grand intérêt, car il est, avec la légende
de Sigurd (et, dans une moindre mesure, celle de Siegfried), le seul récit concernant
la victoire d’un jeune héros sur le Dragon à comporter certains détails
extraordinaires qui ne sont plus que suggérés très évasivement dans les autres
récits de la série. Il s’agit de l’absorption et de
la manducation du Dragon par le vainqueur.
    Sigurd, en effet, boit le sang et mange le cœur de Fafnir, et
fera manger plus tard un morceau de ce cœur à sa fiancée Gudrun (Kriemhild) :
il acquiert ainsi puissance et sagesse, ce qui est encore plus important que l’anneau
d’Andvari et tout l’Or du Rhin. En fait, quand on connaît la fin de l’histoire,
on se rend compte que c’est la seule chose que Sigurd avait à gagner de son combat
contre Fafnir, l’obtention de pouvoirs . Et c’est
par une sorte

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