Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
MERVEILLES
Ce qui frappe le plus, lorsqu’on voit pour la première fois
le Mont-Saint-Michel dans son environnement, c’est son isolement orgueilleux au
milieu de cette plaine de sable dont on ne sait pas exactement quelle en est la
nature, si c’est la mer ou des marécages, si ce sont des dunes arasées par le
vent ou des lambeaux de terre rongés par une mer qui s’infiltre sournoisement
jusqu’aux grandes herbes majestueusement caressées par le vent.
La baie du Mont-Saint-Michel constitue le plus curieux de
tous les paysages littoraux français. On ne se rend pas bien compte de sa
grandeur réelle qui est de quelque deux cent cinquante kilomètres carrés. Aux
marées d’équinoxe, qui sont les plus remarquables, le flot peut atteindre, dans
l’entonnoir terminal de la baie, une élévation verticale de quinze mètres. À ces
époques, lorsque la marée remonte, on dit qu’elle est plus rapide qu’un cheval
au galop, ce qui est évidemment très exagéré, mais qui témoigne de la
brusquerie du flot et du danger que le phénomène représente pour les audacieux
qui se risquent dans ces zones. En fait, il est très rare que la mer recouvre
toute l’étendue de la baie : le flot se contente bien souvent d’emprunter
les chenaux qui servent d’écoulement aux ruisseaux et aux rivières qui
débouchent aux alentours du Mont. Mais, aux grandes marées, il est possible de
voir, en quelques heures, cette immense étendue de sable recouverte d’une nappe
d’eau grisâtre qui va même plus loin que les limites du rivage, remontant dans
les embouchures des rivières jusqu’au pied de la colline d’Avranches ou des
quais de Pontorson. Au moment du reflux, les eaux se retirent avec une même
rapidité, jusqu’à douze kilomètres du rivage, laissant à nu de grandes plages
parcourues par les deltas souterrains des ruisseaux. C’est à ces endroits que
se forment des fondrières d’autant plus dangereuses qu’elles se discernent mal.
Il est difficile d’imaginer qu’autrefois, au lieu de cette immense désert de
sable, existait une forêt dense et touffue, la forêt de Sissiac, qui s’étendait
alors très loin dans les terres, jusqu’à ce qu’on nomme maintenant les « Marais
de Dol », et qui, par suite d’affaissement, aux environs du IX e siècle, fut lentement détruite, puis envahie
par la mer. On sent cependant que le sol demeure fragile, mouvant, que rien n’est
sûr dans cette baie qui, à l’heure actuelle, s’ensable de plus en plus parce
que la digue qui relie le Mont au continent constitue un obstacle à l’écoulement
et à la répartition normale des eaux du Couesnon et de la Sélune. Seuls l’îlot
de Tombelaine et le Mont-Saint-Michel semblent stables au milieu de cette
plaine ambiguë où rôdent les oiseaux de mer.
Le Mont-Saint-Michel est une colline granitique de forme arrondie,
et même conique, de 900 mètres de circonférence et de 50 mètres de
hauteur, bâtiments non compris. Sur les flancs sud et est, s’étage le village. Au
sommet, se dressent les nombreuses constructions de l’abbaye. Des remparts
entourent le Mont, rappelant qu’il a non seulement été un sanctuaire, mais également
une forteresse souvent assiégée, mais imprenable. Dans les jardins des maisons
les plus hautes, des arbres surgissent de la terre. Mais le rocher affleure
partout, constituant l’élément de base de tout édifice.
Quand on arrive du continent, par la digue, on se trouve devant
une tour, dite Tour du Roi, qui servait de première défense, et l’on entre dans
la ville par la Porte de l’Avancée. Là s’ouvre une première cour, une sorte de
sas qui permettait de contrôler efficacement ceux qui voulaient aller plus
avant. C’est là que se dressait le Corps de Garde. On y voit actuellement des
pièces de canon qu’on nomme les Michelettes, et qui avaient été abandonnées par
les Anglais, au XV e siècle, témoignage
des guerres inexpiables qui se livrèrent au cours du Moyen Âge pour la possession
du Mont, principalement entre Anglais et Français, mais aussi entre Bretons et
Normands.
Il faut alors franchir une seconde porte, dite du Boulevard,
ce qui conduit dans la Cour du Boulevard, où se trouve le célèbre restaurant
Poulard qui doit sa réputation mondiale à la recette d’omelette de la « Mère
Poulard ». Au fond de cette cour, il faut franchir une troisième porte, sous
un bâtiment qu’on nomme Porte et Logis du Roi. La porte date du XV
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