Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon
colline, séparé du
premier par un petit vallon verdoyant, on découvre des pierres monumentales
naturelles qui ont été utilisées aux époques préhistoriques, dont l’une, marquée
de creux et de sinuosités, passe pour être la « Pierre du Sacrifice ».
De toute évidence, même si l’on met en doute la réalité de la Pierre du Sacrifice
(les creux et les rigoles sont le résultat de l’érosion), il s’agit d’un
sanctuaire en plein air, d’un temple païen bien antérieur à la venue des Celtes.
Quant à la chapelle Saint-Michel, elle remplace incontestablement
soit un édifice, soit une pierre qui a dû être considérée comme un objet
cultuel ou votif. Le vocable de saint Michel, on le sait, ne peut pas être
donné à n’importe quel endroit sans raison profonde. Si l’on manque de
documents sur ce qui pouvait exister avant à
cet emplacement, les noms, par contre, nous fournissent d’utiles renseignements.
En effet, Mané-Gwenn signifie littéralement « Mont-Blanc »,
mais en breton le mot gwenn (comme le gaélique finn ) a un sens beaucoup plus large qui se
réfère à une racine indo-européenne reconnaissable dans le nom de la déesse
Vénus, qui est, à proprement parler, la « lumineuse », la « belle ».
Le Mané-Gwenn n’est donc pas seulement le Mont-Blanc, c’est aussi le « Mont-Lumineux »
et le « Mont-Beau ». D’ailleurs, l’adjectif français « beau »
(et « bel ») provient non pas du latin, mais du gaulois, et signifie
tout simplement « brillant ». Il est plus que probable qu’à cet
endroit, aux temps druidiques, un culte était rendu au dieu lumineux gaulois
dont l’épithète est Belenos (Brillant), surnom
donné au Mercure gallo-romain en lequel on reconnaît le dieu Lug des épopées
irlandaises. Et le nom de Lug provient d’une racine indo-européenne qui
signifie « blancheur », « lumière », reconnaissable dans le
grec Leukos . Voilà trop de coïncidences, d’autant
plus que le nom de la paroisse est Guénin, nom que la tradition locale prétend
être celui du saint fondateur. Mais « saint » Guénin a une existence
bien hypothétique, et il vaut mieux y voir un dérivé du mot gwenn . Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de
constater la présence de l’Archange brillant sur le sommet d’une montagne au
pied de laquelle passe d’ailleurs la voie romaine (c’est-à-dire un ancien
chemin préhistorique) qui va d’Angers à l’Aber Vrach en passant par Castennec
et Carhaix, cette voie qu’on appelle, dans le pays, Hent-Kornevek ,
le « chemin de Cornouaille », et qu’ailleurs on nomme Hent-en-Ahès , « chemin d’Ahès », du nom d’une
mystérieuse divinité féminine souvent confondue avec la Dahud de la légende de
la ville d’Is.
Le Mané-Gwenn, avec la présence de saint Michel, est bien à
l’image du Mont-Tombe, et comme lui, cela a dû être un Tombelaine, c’est-à-dire
un Tum-Belenos , un tertre voué au culte d’une
divinité de Lumière luttant contre les forces mystérieuses qui surgissaient de
la terre. Il est plus probable que ce culte de Lug-Belenos fut institué face
aux cultes telluriques qui étaient célébrés sur l’autre sommet de la colline, et
qui représentaient des croyances encore plus archaïques, Saint Michel est venu
détrôner tout cela, mais on lui a adjoint Notre-Dame, la Vierge, ce qui est
tout à fait conforme à ce que l’on découvre dans tous les lieux de culte
michaélique, au Mont-Saint-Michel comme ailleurs.
Mais il est un autre lieu voué à l’Archange qui mérite toute
notre attention, bien qu’il soit précisément trop souvent éclipsé par le
sanctuaire voisin de Notre-Dame du Puy-en-Velay : il s’agit du « mont »
Saint-Michel d’Aiguilhe, ce « dyke », c’est-à-dire un bouchon de
volcan, de 88 mètres de hauteur et de 57 mètres de diamètre qui
surplombe la ville et fait face à la statue de Notre-Dame-de-France, elle-même
établie sur le sommet d’un autre dyke, sur les flancs duquel s’est bâtie la
vieille ville du Puy. En pleine terre, au milieu d’un cirque de montagnes, dans
une région géologiquement instable, Saint-Michel d’Aiguilhe est à la fois un
site extraordinaire et un monument remarquable.
C’est en 962 que le doyen du chapitre de la cathédrale du puy,
un certain Truanus, entreprit de construire sur cette « aiguilhe » un
oratoire dédié à saint Michel. La charte de fondation ne nous le dit pas,
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