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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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se trouvait
dans l’un des appartements, il serait devenu le maître de la princesse et de
ses richesses. Mais s’il ne réussissait pas, c’en était fait de lui : il
périssait » [8] .
    Un jeune homme courageux du nom de Skouarn (nom significatif,
car le terme veut dire « oreille », faisant allusion au fait qu’il
sait écouter la tradition, qu’il est initié ) se
lance dans l’aventure. Entre les douze coups de minuit, il se précipite dans la
forteresse engloutie, résiste aux invitations de la belle princesse qui l’attire
près d’elle, s’empare de la baguette avant qu’il ne soit trop tard. « Avec
sa baguette, il commanda à la mer de se retirer et il chassa du château les
esprits malins. La princesse fut heureuse d’être sauvée par un si beau garçon. Ils
firent de belles noces à ce que l’on assure, et Skouarn, pour remercier la Providence,
fit construire une chapelle à saint Michel. Cette chapelle existe encore. » [9] .
    Les rapports entre Saint-Michel-en-Grève, où une ville est
engloutie sous les sables du rivage, et la baie du Mont-Saint-Michel, où gisent
les vestiges de l’antique forêt de Sissiac, sont plus qu’évidents. Mais il y a
bien plus : l’épreuve à laquelle est confronté le dénommé Skouarn ressemble
étonnamment à une lutte entre deux forces antagonistes. D’un côté, il y a le
beau jeune homme qui s’empare de la baguette, de l’autre, les esprits malins qui représentent l’obscurité et l’engloutissement,
la baguette étant elle-même la forme « folklorique » de l’épée flamboyante.
Skouarn joue en quelque sorte le rôle de l’Archange. Et la fin du conte nous le
révèle : en remerciement de ce qui lui est arrivé, il fait bâtir une
chapelle dédiée à saint Michel. Donc, fatalement, l’aventure est liée au combat
de l’Archange et du Dragon dont elle n’est que la version laïcisée et devenue
folklorique, c’est-à-dire adaptée à la compréhension populaire d’un siècle
quelque peu malmené par le rationalisme antichrétien. De toute façon, à travers
ces diverses manifestations, le mythe demeure dans ses structures essentielles.
    Mais il y a une autre tradition locale à Saint-Michel-en-Grève,
qui n’est au fond qu’une variante de la précédente. Cette fois, il s’agit de
saint Efflam, auquel on a adjoint le fabuleux roi Arthur. L’historiographe et
hagiographe du XVII e  siècle Albert Le Grand
rapporte en effet que le jeune Efflam, originaire d’Irlande, qui s’était marié
avec la princesse de Bretagne insulaire Énora, n’avait pas consommé son mariage
et s’était enfui sur les côtes d’Armorique pour y mener une vie érémitique. Or,
à peine est-il installé qu’il voit un monstrueux dragon entrer dans la caverne
qui lui sert de refuge. Le lendemain, il rencontre le roi Arthur qui, appelé
par les habitants du lieu, pourchasse en vain le monstre. Efflam guide Arthur
vers la caverne. Le roi se bat contre le dragon, mais il ne peut l’atteindre. Alors,
Efflam, par ses prières, oblige le monstre à se diriger vers la mer où il s’engloutit.
    Voilà qui donne à réfléchir. D’abord, une des versions des romans
arthuriens parle d’un combat entre le roi et un géant qui paraît bien être une
autre apparence du Dragon, et qui réside sur l’îlot de Tombelaine. Ensuite, le
nom d’Efflam, qui est incontestablement celtique, provient de la même racine
qui a donné le mot français flamme , ce qui est
révélateur : Efflam, sans véritable jeu de mots, est une flamme qui fait
fuir le Dragon des profondeurs, autrement dit les forces des Ténèbres, ou
encore le feu tellurique qui est d’une autre nature, vers l’élément liquide qui
le neutralise. Enfin, le combat d’Arthur, puis d’Efflam – par des moyens
différents – contre le Dragon évoque irrésistiblement le combat dans le ciel , c’est-à-dire la lutte de l’Archange
Michel contre Satan. La tradition de Saint-Michel-en-Grève a pris une autre
coloration, mais elle est conforme à celle qui prévaut à l’ancien Mont-Tombe ou
à Tombelaine. Mais ici, le saint celtique Efflam, à l’authenticité plus que
douteuse, a pris la place de l’Archange de la tradition officielle chrétienne.
    Un détail a de l’importance, celui de la grotte. Il est en
effet constant, dans ce genre de récits à dominante mythologique, que la grotte
soit toujours près de la mer, près d’une rivière ou au voisinage d’un marécage.
Nous

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