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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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telles qu’on les retrouvera dans l’ Apocalypse et dans les nombreux contes populaires
qui font du Dragon à la fois le gardien des Trésors cachés et le redoutable
adversaire que doit vaincre le héros civilisateur, c’est-à-dire l’équilibrateur
du monde. Car si Yahvé se doit de châtier Léviathan, c’est parce que sa
fonction de créateur du monde l’oblige à cet incessant combat au cours duquel s’instaure
un fragile équilibre entre ce qui est et ce qui n’est pas. Cela dit, le texte d’ Isaïe démontre une origine phénicienne : il s’agit,
ni plus ni moins, d’un démarquage d’un poème recueilli dans les manuscrits de
Râs-Shamra, qui datent du XIV e  siècle
avant notre ère : « Tu écraseras Léviathan, serpent fuyard, tu
consumeras le serpent tortueux, le puissant aux sept têtes ». Mais le
monstre aux sept têtes a la vie dure. On le retrouve dans un autre passage de Job (XXXX, 25) : « Et Léviathan, le
pêches-tu à l’hameçon ? Avec une corde, comprimes-tu sa langue ? Fais-tu
passer un jonc dans ses naseaux, avec un croc, perces-tu sa mâchoire ? »
En l’occurrence, ici, il s’agit d’un crocodile, avec tout ce que cela comporte
d’allusions sexuelles, notamment à propos de la castration et du fameux « vagin
denté » qui demeure un des fantasmes les plus courants de l’imaginaire
masculin, si l’on en croit la tradition populaire. La référence à la langue de
Léviathan est importante, car la langue du monstre est comparée bien souvent à
un jet de flammes que vomit le dragon. On reconnaît ce thème dans de nombreux
contes populaires, et il apparaît clairement dans la légende de Tristan et
Yseult, lorsque Tristan combat le « grand Serpent crêté d’Irlande », le
tue, et coupe sa langue comme preuve de sa victoire : mais le venin de la
langue passe dans son corps et il défaille, empoisonné par la puissance qu’il
vient de vaincre, c’est-à-dire de dompter. C’est une façon imagée et dramatique
de présenter la brûlure qui s’empare de l’être
humain quand il peut communiquer avec un des aspects du divin, même quand ce
divin est présenté sous des formes maléfiques ou démoniaques. Et l’on est bien
obligé de constater une fois de plus que la présence de Léviathan est liée à la
proximité de marécages, de lieux où se produisent les échanges entre les deux
mondes, où il y a une sorte de symbiose entre la vie et la mort. Les « infernaux
paluds » du poète François Villon, quand il s’adresse à la Vierge Marie, sont
plus que jamais actifs quand il s’agit de ce mystérieux personnage qu’est le
Satan hébraïque. Il est vrai que parfois, dans les textes bibliques, Léviathan
apparaît sous le nom de Tehôm , terme dans
lequel il n’est pas difficile de reconnaître la même racine que dans le Tiamat babylonien. Le mot signifie « abîme »,
mais dans le sens du mot gallois annwfn , c’est-à-dire
l’abîme originel. Et dans le mythe babylonien, Tiamat désigne la Mer qui, après avoir donné naissance aux Dieux, a été vaincue par l’un
de ces Dieux à la suite d’une bataille extraordinaire qui n’est ni plus ni
moins qu’un inceste cosmique entre la Déesse-Mère et le plus jeune de ses fils.
    L’environnement de Léviathan est incontestablement l’humidité
obscure où tout peut se passer . « S’ils
forcent l’entrée du Schéol, de là, ma main les prendra ; et s’ils montent
aux cieux, de là, je les ferai descendre ; s’ils se cachent au sommet du
Carmel, là j’irai les chercher et les prendre ; s’ils se dérobent à mes
yeux au fond de la mer, là je commanderai au Serpent de les mordre » ( Amos , IX, 2). Il s’agit bien entendu des humains qui
se révoltent contre la loi divine mais ce qui guette ces révoltés, c’est le
Serpent, qui rôde dans les basses régions humides de la terre. Et, s’il faut en
croire le texte du prophète, le Serpent, autrement dit Satan-Léviathan, obéit
aux ordres donnés par Dieu. Où est donc le mythe de Satan révolté lui-même
contre Dieu et maudit ? Il faudrait peut-être ne pas prendre tout à la
lettre. Écoutons encore Isaïe qui s’adresse à Yahvé (LI, 9) : « Éveille-toi,
éveille-toi ! Revêts-toi de force, bras de Yahvé, éveille-toi comme aux
jours d’autrefois, des générations de jadis. N’est-ce pas toi qui as fendu
Rahab, transpercé le Dragon ? » Nous sommes ici en pleine cosmologie
orientale : il s’agit de la

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