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Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon

Titel: Le Mont-Saint-Michel et l'énigme du Drangon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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désigne le monstre du Chaos primitif, alors que la Lumière
divine n’avait point encore opéré la séparation entre les ténèbres et la
lumière matérielle. Il est en effet important de souligner que la Lumière
divine, qui est synonyme de Verbe, est une lumière spirituelle qui n’a rien à
voir avec la lumière matérielle que met en jeu, dans la Genèse , Yahvé quand il prononce les fameuses paroles :
« Que la lumière soit. » Il opère par là la séparation entre la
lumière matérielle qui est la vie organisée et
ce que nous appelons ténèbres, c’est-à-dire Chaos encore indifférencié, qui est la vie inorganisée ou, si l’on préfère, la potentialité de vie . Le mythe n’est pas spécifiquement
sémite, et on le retrouve en particulier dans la tradition germano-scandinave, avec
les Géants toujours prêts à se lancer à l’assaut d’Asgard, la forteresse des
Dieux, et dans la tradition celtique irlandaise, avec les mystérieux Fomoré, peuple
de la mer, géants cyclopéens et marins primitifs, toujours en lutte avec les
différents envahisseurs de l’Irlande.
    L’Ancien Testament fait de nombreuses allusions à ce Léviathan :
« Toi qui fracasses les têtes de Léviathan pour en faire la pâture des
bêtes sauvages » ( Psaumes , LXXIV, 14). On
voit ici d’où provient l’image de la bête aux sept têtes si commune dans la
tradition populaire orale de tous les pays et qui se présente aussi sous la
forme très littéraire de l’Hydre de Lerne. « Là, des navires se promènent
et Léviathan que tu (Yahvé) formas pour t’en rire » ( Psaumes , CIV, 26). Ce texte est d’ailleurs important
par le fait qu’il suppose que c’est Yahvé lui-même qui a créé Léviathan pour s’en rire . Donc, Léviathan-Satan est nécessaire
à Dieu. C’est ce qui ressortait de l’analyse du Livre
de Job  : Dieu ne serait pas Dieu sans le personnage équivoque de
Satan (sous quelque nom ou sous quelque forme qu’il apparaisse) devant lui. Et
au risque de choquer tout le monde, il semble qu’on puisse affirmer nettement
qu’il existe sinon une complicité (évidente dans le Livre de Job), du moins une
complémentarité entre Dieu et Satan. Il faut être aveuglé par l’aristotélisme
primaire de la théologie chrétienne officielle pour ne pas admettre cette nécessité
ontologique (mais non forcément psychologique). La querelle entre le « Diable
et le Bort Dieu » est une absurdité lorsqu’on la prend à la lettre. Mais
elle est une nécessité si on la prend d’un point de vue métaphysique. Le
Christianisme, qui s’est tant embourbé dans un pseudo-rationalisme, n’est point
parvenu à trouver la solution de ce conflit que seule une dialectique pré-socratique, donc barbare, pouvait
résoudre : Dieu étant l’Être, et Satan le Non-Être, la totalité ne peut
surgir que du rapport subtil entre l’Être et le Non-Être, c’est-à-dire l’Être
relatif dans son va-et-vient perpétuel entre les deux pôles. Le monde, tel qu’il
nous apparaît, et l’humanité telle qu’elle est, appartiennent donc au monde
relatif, qui n’a rien à voir avec le monde du Dieu absolu ; d’où la
nécessité de Satan, comme « faire-valoir » d’un Dieu absolu abscons
et incompréhensible. Peu importe, dans ces conditions, que l’on puisse donner à
ce Non-Être relatif les formes et les noms qui plaisent à l’imaginaire humain, puisque
c’est la seule façon de rendre cette notion transmissible et compréhensible.
    À vrai dire, si, d’après les Psaumes ,
Yahvé a créé Léviathan « pour s’en rire », c’est qu’il avait vraiment
besoin d’opposer à lui une créature qui fût son contraire, ou tout au moins son
contrechamp, pour établir sa propre identité relative par rapport à un autre
antithétique. Car l’Être absolu, comme le montre avec pertinence Hegel, équivaut
au néant. Et si la vie, c’est-à-dire l’existence dans le domaine des réalités
concrètes, c’est-à-dire dans le monde de la relativité, est un continuel et
perpétuel devenir, il faut bien admettre que l’ agir prédomine
sur le penser  : d’où cette persistante
notion de combat, de lutte, entre deux antagonismes. « Ce jour-là, Yahvé
châtiera avec son épée dure, grande et forte, Léviathan, le serpent fuyard, Léviathan,
le serpent tortueux, il tuera le dragon qui habite la mer » ( Isaïe , XXVII, I). On voit déjà apparaître l’image du
Serpent et celle du Dragon,

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