Le mouton noir
gouverneur.
â La copie entre les mains du gouverneur, lui demanda Clément, sur la route du retour, est-ce vrai?
â Jamais de la vie! Câest de la poudre aux yeux pour rassurer tout ce beau monde.
â Et si jamais un habitant allait sâinformer de lâexistence de cette liste?
â Rien de plus simple! Le gouverneur lâa égarée. Ce qui compte dans tout ça, câest la guildive de seconde qualité quâon rapporte. Est-ce quâil y en a seulement un dâentre eux qui sait ce que goûte vraiment un bon rhum? Celui que nous allons leur livrer est déjà plus quâentièrement payé par ce quâils mâont avancé. Ce quâils vont me verser au printemps sera net dans mes goussets.
Les propos de son ami commençaient déjà à déplaire à Clément. Il aurait dit «dans nos goussets» quâil ne se serait pas méfié, mais Bréard nâavait parlé que des siens. Arrivé à Québec, Clément voulut officialiser leur entente par un contrat notarié.
â Allons donc, jeune homme! Pas besoin de contrat, ma parole et la tienne suffisent. Aurais-tu dâailleurs de quoi payer le notaire? Non, mon bon, apprends une première leçon: âLâargent quâon garde pour soi, les autres ne peuvent sâenrichir avec.â Maintenant, ramasse tes effets, nous passons en France par le premier navire en partance.
Clément ramena le cheval et la charrette à son propriétaire puis il réfléchit un bon moment avant de donner suite à cette association de bonne foi. Il aurait préféré voir le tout sur papier. «Mais, se dit-il, quâest-ce que jâai à perdre dâessayer?»
Malgré le refus de Bréard dâofficialiser leur association, quelques jours plus tard, il sâembarquait en sa compagnie. Le marchand lui payait son passage sur un navire en partance pour La Rochelle via les îles dâAmérique.
Chapitre 7
Les premières leçons
Le navire avait à peine quitté Québec que Clément dit soudainement à son nouvel ami:
â Je vais certainement passer pour un sans-cÅur.
â Pourquoi donc?
â Je quitte le pays sans en prévenir mes parents.
â Et quâest-ce que ça change? Il faut bien sâen éloigner un jour.
â En ce moment, je devrais être en plein travail de commis aux écritures auprès du secrétaire de lâintendant.
â Disons que ta vie prend une autre direction. Tu es commis aux écritures auprès du marchand René Bréard.
Clément, en le dévisageant, sâinterrogea à voix haute:
â Est-ce que je prends vraiment la bonne décision?
â Ãa, tu lâapprendras dans les mois à venir, répondit le marchand. Mais en ce qui me concerne, je puis déjà te dire que je ne regrette pas notre association.
à leur arrivée à La Rochelle, Bréard conduisit Clément à lâauberge du Chat qui rêve.
â Câest ici que nous pensionnerons, dit-il, mais pour quelques jours seulement, car nous ne perdrons pas de temps avant de passer à lâattaque.
â à lâattaque de qui, de quoi?
â Des marchands de fourrure.
Clément se rendit vite compte que la pension où ils logeaient, sans être minable, était loin dâoffrir le luxe auquel étaient en droit de sâattendre des voyageurs. Bréard lui semblait être un marchand prospère et il aurait dû voir à les loger dans un endroit plus convenable. Clément ne sâen plaignit cependant pas.
Une semaine plus tard, Ã bord dâune patache, le moyen de transport le plus lent, il prenait la route de Paris en compagnie du marchand. Cette fois, il osa sâexprimer:
â Nâaurions-nous pu voyager dans une meilleure voiture?
â Est-ce toi qui défraies les coûts du passage?
Ne trouvant rien à répondre à cette remarque, Clément fit dévier la conversation en demandant:
â Jâapprécierais savoir chez qui nous nous rendons, au juste.
â Chez nul autre que le chapelier Dumouchel, rue de la Vieille-Draperie, à Paris.
Ils couchèrent en route à deux reprises et chaque fois dans des auberges miteuses. Clément se demanda pourquoi, puis il en conclut que son associé était très près
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