Le mouton noir
Quand elles sont sèches, ce qui prend plusieurs semaines, tu tâempares dâun pilon et tu les réduis en poudre. Tu apportes ensuite cette poudre au marchand Liou Tsé, dont voici lâadresse. Si ton produit sâavère de bonne qualité, tu en obtiendras un très bon prix, jusquâà quarante livres tournois pour le fruit de quelques dizaines de racines.
Plus son nouvel ami parlait, plus Clément se louait dâavoir fait sa connaissance. Il voyait déjà la fortune quâil pourrait tirer de ce commerce qui ne demandait pas dâinvestissement et rapportait gros. Le seul inconvénient tenait au fait que pour renouveler le stock, il fallait constamment trouver de nouveaux endroits où poussait cette plante miracle. Pour lors, il connaissait les lieux secrets que lui avait révélés Victor, mais ensuite, où en dénicherait-il dâautres?
Il passa les jours et les semaines suivantes à la cueillette. Il rapporta ses précieuses racines à Verchères et les suspendit aux poutres du pavillon de chasse jusquâà ce quâelles soient bien sèches. Il en tira plusieurs livres de poudre quâil apporta au marchand Liou Tsé. Ce dernier lui donna quelques livres tournois en acompte, lâassurant que dès lâarrivée des premiers navires au printemps, ses associés lui enverraient les centaines de livres que valait sa cueillette.
Ce succès le mit en joie, tout en le rendant anxieux. Il ne pourrait pas toucher ses profits avant six mois. Il passa tout lâautomne à arpenter les bois afin de découvrir dâautres endroits où la plante poussait en abondance. Satisfait de ses découvertes, il se promit dâen retirer au cours de lâannée suivante plusieurs milliers de livres.
Durant le mois de février, il apprit la mort de son ami Victor. Sâil en fut quelque peu peiné, une fois de plus, il bénit le ciel de lâavoir rencontré. Dès que le soleil printanier fit fondre la neige dans les bois, il sâadonna pendant trois semaines à une cueillette intensive de ginseng. Puis, alors quâil rapportait les racines à Verchères, anxieux de toucher plus rapidement les fruits de son travail, il pensa à une façon plus rapide de sécher les racines: le four à pain.
En quelques jours, il produisit plusieurs dizaines de livres de cette panacée quâil apporta au marchand Liou Tsé. Il put de la sorte quadrupler sa production de lâannée précédente. Quand, quelques semaines plus tard, il toucha les quelques centaines de livres que lui avait valu son travail de lâannée précédente, il exulta.
â Je serai riche lâan prochain, dit-il à Justine.
â Quâest-ce qui tâen rend si sûr?
â Câest mon secret.
â Encore un tour de passe-passe plus ou moins louable, je présume.
â Tout ce quâil y a de plus honnête. Le fruit de plusieurs mois de labeur!
Le printemps suivant ne vint jamais assez vite pour lui. Tout en poursuivant ses cueillettes et alors que les plantes se faisaient de plus en plus rares, il attendait avec impatience lâarrivée des premiers navires. Quand il fut assuré que le marchand Liou Tsé devait avoir reçu les milliers de livres quâil croyait devoir toucher, il se présenta chez lui, le cÅur débordant dâespoir.
â Jâai mauvaises nouvelles pour vous, dit le marchand.
â De mauvaises nouvelles?
Il lui remit une bourse qui ne contenait pas cinq cents livres.
â Il y a certainement une erreur! sâexclama-t-il.
â Pas erreur. Poudre ginseng de vous, mauvaise qualité.
â De mauvaise qualité?
â Ginseng séché trop vite.
Quand, cette année-là , Clément voulut revenir à la méthode de séchage que lui avait enseignée Victor Généreux, il ne possédait plus que quelques dizaines de racines de ginseng, puisquâil avait déjà récolté toutes celles quâil avait pu repérer. Sâil voulait poursuivre son commerce, il devrait arpenter la forêt pendant des semaines en souhaitant mettre la main sur de bons plants, une tâche bien ardue. Lui qui voulait faire fortune rapidement décida de chercher ailleurs. Il savait désormais que le ginseng ne le rendrait pas riche.
Chapitre 25
Alexandre
Pendant ce temps,
Weitere Kostenlose Bücher