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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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je comprends bien, père, vous aimeriez me voir déguerpir d’ici?
    â€” Ce n’est point ce que j’ai dit. D’autres l’habiteront sans doute après toi, s’il est toujours manable. J’aurais aimé que tu me parles de ton projet. Nous aurions pu en débattre et choisir un endroit plus approprié pour un tel atelier.
    â€” J’aurai beau me morfondre à faire vivre ma famille, je sais que vous serez toujours opposé au moindre de mes projets.
    â€” Je n’ai rien contre tes entreprises si elles sont menées de façon à ne nuire à personne. Je veux simplement te rappeler, Clément, que le pavillon, tout comme le manoir et les terres qui l’entourent, sont encore ma propriété. Certes, tu hériteras de ta part un jour. Je me fais vieux. Tu n’auras sans doute pas à attendre encore trop longtemps ton héritage, voilà pourquoi j’aurais aimé que tu me préviennes avant de te lancer dans ces travaux. T’es-tu seulement regardé? Tu as l’air d’un souillon. Je n’ose même pas entrer au pavillon tant j’appréhende le désordre que j’y trouverai. Ce n’est pourtant pas de cette façon que ta mère et moi t’avons élevé!
    Clément, qui écoutait calmement jusque-là, intervint brusquement:
    â€” Les sermons du curé me suffisent, je n’ai pas besoin des vôtres! Sans doute me les faites-vous parce qu’autrefois vous m’avez tiré de prison et que je ne vous ai pas encore remboursé. Je le ferai, dès que la malchance me lâchera.
    â€” Pauvre enfant! dit Marcellin. Il y a dans la vie autre chose que l’argent. Puisses-tu le comprendre un jour!
    Puis, voyant qu’il perdait son temps, de son pas lent de vieillard, il regagna tranquillement le manoir, pendant que par défi, son fils cognait du marteau et s’affairait à poursuivre ses travaux.

    Quand il en eut terminé avec cet atelier, Clément se rendit à Montréal. Il y toucha quelques centaines de livres pour sa production de ginseng de l’année précédente. Il se servit de cet argent pour réaliser l’achat de ses premières fourrures de castor. Pour les payer le moins cher possible, il fit le tour des coureurs des bois revenus de Détroit et des environs.
    â€” Vous avez bien, leur dit-il, parmi les peaux que vous rapportez, certaines qui montrent des imperfections telles qu’elles ne seront pas expédiées en France?
    â€” Les rejetées?
    â€” Exactement. Je suis preneur.
    Ce fut ainsi qu’il mit la main, pour quelques livres chacune, sur une vingtaine de peaux de castor aptes à la confection de chapeaux. Il ne lui restait plus qu’à dénicher un chapelier qui accepterait de travailler avec lui, tâche qui lui prit plusieurs jours. Il finit par se laisser dire que du côté de la Pointe-aux-Trembles, un certain Paul Lachapelle, qui n’était pas tout jeune, accepterait peut-être son offre.
    Quand il se présenta chez ce chapelier, logé dans une misérable cabane, il le trouva au lit. L’homme n’avait visiblement plus de travail, mais il possédait tout l’équipement nécessaire à la confection de chapeaux. Clément lui expliqua ce qu’il attendait de lui.
    â€” Vous me montrerez votre métier, en retour de quoi je vous logerai, je vous soignerai, je vous nourrirai et vous n’aurez plus de souci.
    Le vieil homme le regarda comme s’il était son sauveur.
    â€” J’irai, dit-il.
    â€” Dans deux jours, promit Clément, je reviens avec ma barque. On y déménage tous vos effets et nous filons à Verchères.
    Ce fut ainsi que, petit à petit, l’atelier de chapellerie de Verchères commença à vivre. Pour une fois, Clément semblait avoir misé juste. Il apprenait son nouveau métier tout en confectionnant ses premiers chapeaux, lesquels lui rapporteraient suffisamment pour lui permettre d’acheter de nouvelles fourrures, grossir son entreprise et en faire un commerce fort rentable. Il se donnait quelques années pour devenir un des gros bourgeois de la colonie. Mais il lui fallait dans l’immédiat s’occuper d’assurer sa fortune…

Chapitre 27
Les enfants de Clément et Justine
    Au manoir, la vie s’écoulait paisiblement. Les enfants avaient

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