Le mouton noir
épousé?
â Qui veux-tu que ce soit dâautre?
â Il te faudra te laver, te raser et te vêtir proprement afin de venir au manoir. Ton père est mort doucement cette nuit.
â Dieu ait son âme.
Ce furent les seules paroles que prononça Clément avant de tourner le dos à Justine et de se remettre à son travail comme si de rien nâétait. Au grand dam de Justine, il nâalla pas au service funéraire. Quand elle se rendit au pavillon pour lui en faire reproche, il nây était pas. Il nây revint quâune dizaine de jours plus tard, tout affairé à son projet.
Chapitre 28
Lâhéritage
Clément, qui ne mettait jamais les pieds au manoir, y arriva un beau matin sans prévenir. à Marie qui, le voyant surgir ainsi, lui demanda ce qui leur valait cette visite, il dit:
â Je viens chercher mon héritage.
â Ton héritage?
â Il y a bien la moitié du manoir et des terres qui mâappartiennent.
â Selon le testament de notre père, le partage ne se fera pas ainsi.
â Quoi?
â Le notaire Cournoyer saura te lire les clauses du testament qui te concernent. Nâoublie pas que tu nâas pas toujours agi envers lui comme tu aurais dû le faire. Ce sont des choses qui finissent par se payer, à la longue.
â Es-tu en train de me dire quâil mâa déshérité?
â Non point. Mais si tu tâétais conduit dignement envers lui, tu aurais certainement pu obtenir plus.
Clément était furieux; Marie ne se laissa pas pour autant décontenancer.
â Si tu veux en avoir le cÅur net, dit-elle, va voir le notaire Cournoyer.
Il rugit:
â Jây vais de ce pas et ne va surtout pas te figurer que je me laisserai manger la laine sur le dos sans rien faire!
Il gagna Verchères sans tarder. à le voir marcher dâun pas décidé, Marie se dit que le notaire en entendrait des vertes et des pas mûres. Quand elle raconta le tout à Justine revenue du marché avec Abel, cette dernière lâapaisa.
â Il ne pourra rien y faire. Ton père justifie ses décisions et tous les juges du pays seront dâaccord avec lui. Il nâa que ce quâil mérite.
Quand Clément pénétra chez le notaire Cournoyer, ce dernier expliquait à une vieille dame les droits que lui garantissait son contrat de mariage.
â Ce contrat vous protège, vous êtes héritière de la moitié des biens laissés par votre défunt mari, sans compter le douaire et le préciput, ce qui vous avantage grandement. Nâétant plus liée par votre contrat de mariage, si vous le désirez, vous pourrez favoriser par testament lâun ou lâautre de vos enfants, sinon, à votre décès, ils se partageront vos biens à parts égales.
Clément, qui avait tout entendu, se dit: «Comment se fait-il quâau décès de notre mère, il nây ait pas eu un tel partage?» Il se sentait tout à coup frustré. Il est vrai que, par orgueil, sans doute par crainte de devoir affronter son père, il avait tourné le dos à sa part dâhéritage. Cette fois, il se promettait bien de la toucher.
Quand il put enfin parler au notaire, celui-ci lui expliqua:
â Par testament, en effet, votre père vous a légué des biens, mais il mâa également laissé pour vous une lettre dans laquelle il explique ses décisions. Voulez-vous dâabord lire sa lettre et je vous ferai part ensuite du contenu du testament, ou préférez-vous le contraire?
â Le testament dâabord!
â La partie du testament qui vous concerne se lit comme suit:
à mon fils Clément, je lègue le pavillon de chasse quâil utilise dâailleurs à ses fins depuis nombre dâannées. Je lui lègue la moitié du revenu annuel des terres du manoir et à ses enfants, les revenus de la vente du manoir et de son contenu après le décès de ma fille Marie. Enfin, je lui lègue ma barque, mon coffre et mon armoire.
â Câest tout? dit Clément.
â Câest tout.
Il rageait. En regardant la lettre quâil tenait, il dit:
â Je présume que jây trouverai tout plein de remontrances et un beau sermon sur le respect dû aux parentsâ¦
â Jâignore ce quâelle
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