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Le mouton noir

Le mouton noir

Titel: Le mouton noir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Langlois
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Clément un élève des plus attentifs qui n’avait pas oublié que ce métier pouvait mener à la fortune. Pour lors, l’apprenti se contentait de mettre en pratique tout ce que le vieux maître chapelier pouvait lui apprendre. Il ne mit guère de temps à repérer les peaux qui donneraient les meilleurs résultats. «Je saurai, se disait-il, lesquelles acheter à l’avenir.»
    Le vieil homme s’adonna d’abord, au moyen d’une plane, à arracher les poils des peaux. Puis il lui montra à Clément comment les préparer pour les fouler de manière à en faire un tissu suffisamment épais pour qu’il prenne, une fois posé sur les moules, la forme désirée.
    En travaillant de la sorte à son premier chapeau, une idée traversa l’esprit de Clément: «Et si je fabriquais des chapeaux contrefaits?» Il s’empressa de la repousser en pensant à Justine. «Si jamais je veux la reconquérir, songea-t-il, je ne peux me permettre d’errer et de tricher. Ma fabrique de chapeaux produira de vrais chapeaux de castor.» Apaisé, il continua son travail, bien décidé à devenir le fabricant et le marchand de chapeaux de castor le plus célèbre du pays.
    Pendant qu’il travaillait, il causait avec le vieux Lachapelle et le faisait parler de son enfance.
    â€” Comment vous est venue l’idée de vous faire chapelier?
    â€” Oh, jeune homme, c’est une bien curieuse histoire.
    â€” Que vous voudrez bien me raconter.
    â€” J’avais dix ans à peine et j’aimais jouer des tours. Un beau dimanche à la messe, j’ai vu que le bourgeois assis devant nous avait placé son chapeau sur le banc tout à côté de lui. Au moment où il allait se rasseoir pour le sermon, j’ai tassé son chapeau de telle sorte qu’il s’assoie dessus.
    â€” Oh là là! Oh là là! s’exclama Clément, je vois venir la suite. Un chapeau n’a pas de pattes et ne peut bouger seul.
    â€” Le bourgeois était furieux. Il tenait à la main son chapeau tout cabossé. Il se tournait de tous les côtés pour chercher un coupable. Comme il me regardait d’un air soupçonneux, une femme qui avait été témoin de ma manœuvre l’a assuré que j’étais le coupable. La messe terminée, notre bourgeois m’attrapa par le chignon du cou et me dit: “Tu ignores sans doute le prix d’un tel chapeau. Eh bien, tu vas l’apprendre. Tu me dois dix livres tournois.” Pendant tout ce temps, il me menaçait de sa canne. Si ma mère n’avait pas été là, j’aurais mangé la plus belle raclée de ma vie.
    â€” Dix livres? Il n’en mettait pas un peu trop?
    â€” Ma mère intervint: “Ce chapeau ne vaut pas ce prix-là.” Le bourgeois monta sur ses grands chevaux. “Traitez-moi de menteur, madame. Votre sacripant de fils a fait que mon chapeau n’est plus utilisable. Il devra me rembourser dix livres.” Ma pauvre mère qui était veuve et gagnait notre pain en vendant des fleurs au marché était au désespoir. Dix livres, c’était une somme considérable.
    â€” À qui le dites-vous! approuva Clément.
    â€” Je ne savais trop que dire ni que faire. Pour me racheter, je dis à ma mère que j’allais ramasser moi-même les dix livres en question. “Pauvre enfant, dit-elle, tu n’as que dix ans. Comment comptes-tu gagner tant de sous?” “Je vais faire des commissions pour le chapelier Dumouchel.” Il faut dire que nous vivions alors à Paris, rue de la Vieille-Draperie, à deux pas de cette chapellerie.
    â€” Ah ça, alors! s’exclama Clément. Le chapelier Dumouchel, je le connais! Le monde est bien petit…
    â€” Vous le connaissez?
    â€” Il y a quelques années, je suis allé chez lui en compagnie d’un marchand.
    â€” Celui que vous avez connu était sans aucun doute le fils de celui chez qui j’ai travaillé et fait mon apprentissage. Pour en revenir à mon histoire, figurez-vous que je me suis rendu chez le chapelier à qui j’ai conté mon malheur, le suppliant de me donner du travail. Le bon monsieur m’aimait bien. Il m’a dit: “Ce bourgeois dont tu as bossué le chapeau, tu saurais me dire où il

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