Le neuvième cercle
simuler une attaque contre la station d’émission de Gleiwitz, près de la frontière polonaise, et de lui donner l’apparence d’une attaque menée par les Polonais. Heydrich m’a dit : « Il nous faut pour la presse étrangère et la propagande allemande des preuves matérielles de ces attaques « polonaises ».
— Je reçus l’ordre d’aller à Gleiwitz avec cinq ou six hommes du S.D. et d’attendre là un ordre chiffré de Heydrich, concernant le déclenchement de l’attaque. Je devais m’emparer de la station d’émission radiophonique et la tenir assez longtemps pour permettre à un Allemand parlant polonais, qui serait mis à ma disposition, d’émettre un message en polonais. Ce message, me dit Heydrich, déclarait que l’heure de la guerre germano-polonaise avait sonné, et que les Polonais rassemblés allaient écraser toute résistance de la part des Allemands. Heydrich me dit aussi, à l’époque, qu’il s’attendait à ce que l’Allemagne déclenchât une attaque contre la Pologne dans peu de jours.
— Je me rendis à Gleiwitz et attendis là quinze jours. Je demandais alors à Heydrich l’autorisation de revenir à Berlin, mais je reçus l’ordre de rester à Gleiwitz. Entre le 25 et le 31 août, j’allai voir Heinrich Müller, chef de la Gestapo, qui se trouvait alors non loin de là, à Oppeln. En ma présence, Millier discuta avec un nommé Mehlhorn, un projet d’incident de frontière ayant l’apparence d’une attaque des troupes allemandes par les soldats polonais. On devait utiliser environ une compagnie de soldats allemands. Muller déclara qu’il avait douze ou treize criminels condamnés qui seraient habillés avec des uniformes polonais et qu’on laisserait morts sur la place pour montrer qu’ils avaient été tués au cours de l’attaque. Ils devaient, dans ce but, recevoir des injections mortelles d’un médecin au service de Heydrich. Par la suite, ils recevraient aussi des blessures d’armes à feu. Après l’incident, des membres de la presse et d’autres personnes devaient être amenées sur les lieux. Un rapport de police serait alors dressé. Müller me dit qu’il avait un ordre de Heydrich lui disant de mettre l’un de ces criminels à ma disposition pour l’action de Gleiwitz. Le mot-code par lequel ces criminels étaient désignés était « conserves ».
— L’incident de Gleiwitz auquel j’ai participé fut exécuté la veille au soir de l’attaque allemande contre la Pologne. Autant que je me souvienne, la guerre éclata le 1 er septembre 1939. Le 31 août à midi, je reçus par téléphone, de Heydrich, le mot chiffré pour l’attaque qui devait avoir lieu à 8 heures, le soir même. Heydrich dit : « Afin d’exécuter cette attaque, demandez à Müller les « conserves ». » Je le fis et donnai à Müller des instructions pour amener l’homme auprès de la station de radio. Je reçus cet homme et le fis étendre à l’entrée de la station. Il était vivant, mais complètement inconscient. J’essayai d’ouvrir ses yeux, je ne pus reconnaître à son regard s’il était vivant mais seulement à son souffle. Je ne vis pas de blessures d’armes à feu, mais son visage était barbouillé de sang. Il était en civil.
— Conformément aux ordres, nous nous sommes emparés de la station de radio, avons transmis un message de trois à quatre minutes sur un émetteur de secours, lancé quelques coups de pistolet et sommes partis.
… Naujocks « instrument » de l’invasion de la Pologne et de la Seconde Guerre mondiale. Pour le « boxeur » de Kiel, une fracassante victoire… Elle sera suivie de beaucoup d’autres : ainsi, en novembre 1939, il enlevait à Venco, aux Pays-Bas, les deux responsables de l’Intelligence Service, Best et Stevens, les livrait à Heydrich et devenait un héros national décoré de la Croix de Fer de première classe.
Dans les « faux papiers » de Best et Stevens, Naujocks découvrit, trois jours après son retour triomphal, des cartes d’alimentation allemandes parfaitement imitées. Cette « révélation » ne surprit pas Heydrich. Depuis deux semaines, des avions britanniques saupoudraient plusieurs régions de l’Allemagne du Nord de ces tickets inespérés. Et les « bons citoyens », dans quatre-vingts pour cent des cas, les utilisaient. C’était une véritable catastrophe. Naujocks fut chargé de limiter les dégâts : ne donner aucune publicité à l’affaire
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