Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
Vom Netzwerk:
qui eut tôt fait de rattraper les deux fugitifs handicapés par la neige profonde.
    — Je ne décrirai pas la suite qui est un classique des camps : les deux évadés ramenés à coups de « schlague », le kommando rentré au camp passant des heures au garde-à-vous dans le froid et la nuit, les deux évadés passant toute la nuit au garde-à-vous près de la porte du camp et subissant des « schlague » intermittentes.
    — Ont-il été interrogés ? Je l’ignore.
    — Ont-ils parlé ? Je suis sûr que non puisque je vous écris.
    — Le lendemain (je crois), ils étaient embarqués pour Mauthausen, où ils ont, à coup sûr, été torturés, sans doute exécutés, mais je n’ai jamais pu en avoir la confirmation.
    — Ainsi se termine ma première tentative d’évasion, mûrement réfléchie, soigneusement préparée, et manquée. La réussite suppose-t-elle une touche d’improvisation ?
    — Mon premier soin, le lendemain, fut d’aller récupérer la troisième tenue civile dans le magasin à ciment, pour la cacher dans le bâtiment des compresseurs. Les S.S. avaient fouillé le magasin, mais ne l’avaient pas trouvée. Les jours qui suivirent furent pour moi des jours d’angoisse, durant lesquels je m’attendais, à tout moment, à être démasqué, torturé. Rien ne se passa, l’hiver continua et mes désirs d’évasion furent étouffés pour un temps…
    — Jusqu’au 23 novembre 1944.
    *
    * *
    — Un sourire. Des yeux qui se ferment. Un signe rapide de la main. Une tranche de pain posée sur un établi. Un fruit oublié contre un arbre, dans un coin de rocher ; ces premières « preuves » de « l’amitié » des civils yougoslaves, réquisitionnés par l’administration allemande ou simplement employés par les entreprises des travaux publics maîtres-d’œuvre du percement, créèrent rapidement au Loibl-Pass un climat d’espoir que peu de camps ou de kommandos connurent. Ces « gestes » improvisés, désorganisés, ressentis par l’ensemble des déportés comme une véritable participation à leur épreuve, seraient restés individuels sans la volonté, le courage d’un ingénieur civil, Janko Tisler :
    — Au xxvii début de septembre 1943, j’ai établi des liaisons avec des détenus français. Le premier contact eut lieu dans le tunnel où travaillaient trois Français : Granger, Huret et Pimpaud. Granger était l’homme de confiance de la résistance qui préparait les plans d’évasion du camp.
    — J’avais xxviii remarqué un ingénieur civil, un Slovène. Jeune. Sympathique. À plusieurs reprises il nous avait salués. Il parlait français, disait-on. Un jour qu’il passait dans le tunnel, je l’ai abordé. À partir de cette rencontre avec ce formidable petit bonhomme, notre vie fut bouleversée. Il nous visita dans le tunnel chaque jour, prenant des risques énormes. Il nous donnait des nouvelles du front. De toutes les opérations militaires. Je les communiquais à mon camarade Granger, le responsable communiste qui les répercutait aux siens. En quelques heures, tout le camp avait des nouvelles fraîches. Il fallait voir l’attitude des détenus qui redressaient la tête, retrouvaient l’espoir. La période étant particulièrement fertile en bonnes nouvelles. Janko est devenu, également, notre facteur. Nos familles n’avaient pas de nouvelles depuis longtemps. Je lui remettais des lettres, il me rapportait les réponses, certaines fois des colis. Quels risques ne prenait-il pas !
    — Les xxix déportés du comité clandestin de résistance rassemblaient les adresses et les lettres de leurs compatriotes qui désiraient rassurer leur famille. À la fin du mois d’octobre, j’avais déjà recueilli quarante-quatre adresses et quarante-quatre lettres furent expédiées. Il faut rappeler que les détenus n’avaient le droit d’envoyer qu’une carte postale par trimestre portant ces seuls mots : « Je suis en bonne santé, je vais bien, ne vous en faites pas pour moi. » Les liaisons avec les Français fonctionnaient parfaitement, tous les jours, en quatre endroits différents. Premier « rendez-vous » dans le grand dépôt avec Cholle. Deuxième dans l’atelier avec Ivanoff et Esparlargas. Troisième liaison dans la partie sud du tunnel avec Pacini, Huret, Duplaise. Enfin, quatrième rencontre dans la partie nord du tunnel avec Crinier. Grâce à ces liaisons, deux cent vingt lettres « recommandées » et un très grand

Weitere Kostenlose Bücher