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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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de ces Russes évadés, il était le seul survivant, les autres avaient péri au combat.
    — Je décidai alors de tenter quelque chose avec mes deux camarades Pagès et Pimpaud à partir du tunnel… J’avais toujours mon ver solitaire que je continuais à traiter avec de l’ail, mais je n’avais pas de jambes. Je me traînais littéralement. C’est là qu’un détenu, Raoul Hennion, qui travaillait à la forge, me fut d’un grand secours. Il était en contact avec un civil Slovène et lui demanda d’acheter, à la pharmacie du village, de l’extrait de fougères mâles. J’eus cette potion. Immédiatement je me rendis à l’infirmerie et je me débarrassai en vingt-quatre heures de ce parasite que je traînais depuis Compiègne. Chaque jour davantage je redressais ma grande carcasse. Je pouvais maintenant marcher plus facilement. Je sentais des forces revenir, la faim me tiraillait moins. En dix jours j’ai constaté une amélioration physique considérable.
    — À 50 mètres du camp, il y avait une belle petite baraque qui avait, comme locataire, un superbe capitaine S.S. Il vivait avec une jeune personne très belle : deux grands yeux qui dévoraient son fin visage. De temps en temps, quand nous rentrions du travail, elle ouvrait son rideau et nous regardait intensément avec un je ne sais quoi de tristesse. Naturellement, dans pareille ambiance de mort, de sauvagerie, c’était, pour nous, comme une apparition. Tous les regards se fixaient sur elle quand nous l’apercevions déambuler à proximité du camp. Je m’étais personnellement piqué au jeu. Je la fixais toujours au plus profond. Peut-être avais-je remarqué une certaine complicité.
    — Je travaillais dans le tunnel au déblaiement des pierres que nous chargions dans des wagons. Ceux-ci étaient tractés par une petite locomotive qui avait pour conducteur Stephan, un petit civil croate. Nous sympathisions dans la pénombre avec ce brave. Une belle nuit, début août 1944, Stephan s’avance vers moi, me donne quelques cigarettes et quelques friandises :
    — « C’est Selena qui m’a donné ça pour toi. »
    — J’avais compris.
    — « Tu la remercieras bien. »
    — En redescendant du travail, le matin, je lui fis un petit merci de la tête. Le soir même, la même chose, avec un petit mot rédigé en allemand. C’est mon camarade Hector, un Sarrois, qui traduisit et qui, par la même occasion, lui répondit sous ma dictée.
    — Ce fut ainsi chaque jour, toujours par l’intermédiaire de Stephan. Les lettres devinrent tendres, de plus en plus tendres. Les regards aussi. Vers le 15 août, vers 22 h 30, quelle ne fut pas notre surprise de voir Selena apparaître dans le tunnel, en compagnie de deux complices, des ouvriers slovènes. Elle s’approcha de moi et, bras dessus, bras dessous nous nous retirâmes à l’écart. Réfugiés dans les bras l’un de l’autre, je me rappelle encore cet instant émouvant. Je me rappelle aussi que nous travaillions dans un endroit particulièrement humide, l’eau coulait de partout… Nous étions trempés jusqu’aux os. Avec un mélange de poussière, de caillasse, une atmosphère fétide, puante. Je lui faisais remarquer que j’allais tacher ses vêtements.
    — « Ça m’est égal », me répondit-elle.
    — J’eus ainsi quelques visites. Mes deux camarades faisaient le guet, ainsi que les deux Slovènes en deçà et en delà de notre position. Les S.S. de l’entrée la saluaient bien bas. C’était la compagne du capitaine S.S.
    — À la dernière entrevue, j’avais dit brusquement à Selena :
    — « Mes deux camarades et moi voulons nous évader. Peux-tu nous aider ? »
    — La réaction fut dramatique :
    — « Tu es fou ! Vous allez mourir. Ils meurent tous au combat ou de froid…»
    — Pendant trois ou quatre jours, dans ses lettres, elle essaya de me dissuader. Je restai inflexible.
    — « Attends un peu, s’il doit se passer quelque chose, je le saurai immédiatement par le capitaine S.S. et je vous emmènerai chez moi à Sesenice » (village situé à une trentaine de kilomètres du camp).
    — Je lui répondis :
    — « Nous voulons partir, rejoindre les partisans le plus tôt possible. Que peux-tu faire pour nous ? »
    — C’est vers le 25 août, à 22 heures, que se produisit un incident qui faillit mettre un terme à tout, et définitivement. Comme d’habitude, le petit Stephan se dirigea vers moi avec une lettre.

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