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Le neuvième cercle

Le neuvième cercle

Titel: Le neuvième cercle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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découvert, me quittèrent. Le groupe diminuait chaque jour. Il était étonnant de voir, de temps en temps, un ingénieur civil regarder le manège des planches. Cherchant visiblement à comprendre, n’y comprenant rien, et pour cause, il s’en allait, impuissant et sans poser aucune question, pensant sûrement que l’ordre venait d’en haut. Nous restâmes six, puis cinq, puis deux : le jeune Michel, de Tours, un bon petit de dix-huit ans à peine et moi. Je lui dis :
    — « Je vais me mettre sous le tas de planches. Tu vas me boucher l’orifice avec ce gros bout de bois et, dès la fin du travail, tu viens m’appeler. »
    — Ce manège dura une bonne dizaine de jours. À l’arrivée au travail, le matin, je rejoignais ma cachette. À midi, Michel venait m’avertir. Je réintégrais après la soupe et, le soir, Michel m’en sortait, s’acquittant parfaitement de sa mission. Allongé toute la journée, j’avais moins faim, je récupérais. Ça allait nettement mieux. Un beau jour, vers 16 heures, un véritable orage de montagne s’abattit sur le col et les environs du tunnel. Par hasard, le commandant était là. Pris d’un souci d’humanité exceptionnel, il ordonna de rassembler tout le monde, de cesser le travail pour redescendre au camp. Désastre ! Il en manquait un. Michel n’avait pas pu me prévenir. Des cris :
    — « Un homme s’est échappé ! »
    — Et voilà les S.S. avec leurs chiens lancés en hurlant à ma recherche. Ce sont leurs cris et les chiens qui m’ont sorti de ma torpeur. Je m’extirpai de ma cachette et descendis vers le kommando, au garde-à-vous, sous la pluie. J’ai cru ma dernière minute arrivée. S.S. et kapos se dirigeaient d’un même pas vers moi, la bave aux lèvres, terriblement menaçants. Quand ils furent à deux mètres de moi, le commandant les fit stopper net. Il proféra quelques insultes et donna l’ordre de redescendre au camp. Je me rappellerai longtemps les regards de mes camarades durant le parcours. Chacun pensait : ils vont massacrer « le grand » sur la place d’appel. À table, personne ne soufflait mot. J’ai vu beaucoup de bons yeux ce soir-là. Je n’ai pas dormi de la nuit, me disant : « Ma mise à mort aura lieu tout à l’heure. Ils ont remis ça à ce matin parce que la pluie tombait à seaux. Les spectacles de plein air sont annulés par mauvais temps. » Ah ! bien, il ne s’est rien passé du tout. Ils m’ont traité par le mépris et ignoré totalement. Invraisemblable. De toute façon, il fallait me faire oublier et disparaître le plus longtemps possible de leur vue. On demandait des mineurs pour travailler dans le tunnel. Je me présentais aussitôt avec mes camarades Pimpaud et Pagès ; l’équipe était formée.
    *
    * *
    — Je xxv fus affecté à la compagnie disciplinaire du camp (Strafkompanie). Nous étions neuf. C’était pendant l’été 1943. Nous faisions une tranchée dans la montagne à un mètre cinquante de profondeur, destinée à une conduite d’eau. Chaque fois que l’on rencontrait un gros rocher, c’était à Balsan que l’on faisait appel et, torse nu, armé d’une masse, j’ai frappé des milliers de coups pour briser tous ceux qui s’étaient présentés. Et cela durait douze heures par jour…
    — J’avais derrière moi mon S.S. personnel, qui ne me laissait aucun répit. À ce régime épuisant et dans cette atmosphère d’épouvante, je dépérissais jour après jour. Mon seul soutien m’était apporté par mon camarade Désiré.
    — Lorsque j’étais Schreiber, j’avais pu le faire affecter dans son métier de cordonnier. Il travaillait de nuit, à l’abri dans son échope, pour réparer nos misérables godasses.
    — Il arrivait, en même temps, à faire cuire quelques pommes de terre dans la braise et il me les glissait pour me soutenir avant mon départ au petit matin.
    — Toutefois, je descendis peu à peu la pente…
    — Un jour, dans un certain édifice, seul endroit où nous trouvions quelque isolement, momentané, j’entendis de l’autre côté de la cloison des camarades, communistes français, qui disaient de moi que je n’en avais plus pour longtemps. Je pensai qu’il était temps de réagir, mais que pouvais-je faire pour changer mon sort ?
    — Un dimanche après-midi, tenaillé par la faim, je pénétrai dans la cave pour voler quelques pommes de terre. C’est à ce moment-là qu’on appela les « punis » pour décharger un

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