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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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dans son pays. Son père, le comte Lucchino Garelli, était un
proche du Duce, avait-elle ajouté d’une voix menaçante.
    Mais le SS, qui notait méticuleusement ses
propos, l’avait interrompue : elle s’expliquerait au siège central de la
Gestapo, à Berlin, avait-il dit. Julia Garelli, épouse Knepper, était allemande.
Elle avait donc des comptes à rendre à l’Allemagne. Elle avait plusieurs fois
séjourné sur le territoire du Reich. On n’ignorait rien des activités d’espionnage
auxquelles elle s’était livrée, ni du réseau d’agents du Komintern dont elle
avait fait partie.
    De tout cela elle devrait rendre compte en
tant qu’Allemande ayant cherché à nuire aux intérêts du Reich.
    Mais on ne l’avait ni battue, ni torturée, et
ses camarades et elle avaient même apprécié les prisons allemandes où, en se
dirigeant de Brest-Litovsk à Berlin, elles avaient séjourné.
    Certains, parmi les hommes, commençaient même
à se convertir : le nazisme, après tout, affirmaient-ils, leur paraissait
moins barbare que le communisme. Ils rappelaient comme on les avait torturés, laissé
pourrir à la Loubianka et, plus tard, dans les camps du goulag. S’il fallait
choisir entre les deux dictatures, mieux valait l’allemande que la russe !
    Julia avait refusé de se laisser entraîner
dans cette comparaison prématurée. Que savaient-ils des camps dans l’Allemagne
de Hitler ?
    Elle n’aurait pu imaginer le sort de ces
jeunes Polonaises que le docteur du camp de Ravensbrück sélectionnait, choisissant
les plus vigoureuses afin de leur briser les jambes, de pratiquer sur elles des
greffes osseuses.
    Bientôt Julia les apercevrait, après ces
opérations effrayantes, errant dans le camp, claudiquant, mutilées ou infirmes,
et un jour exécutées.
    Et de la place d’appel où toutes les déportées
seraient rassemblées chaque matin et chaque soir, on entendrait les feux de
salve, puis les détonations isolées des coups de grâce.
    Et corbeaux et corneilles voletteraient
au-dessus des arbres, entourant la clairière où l’on procéderait aux exécutions.
    Non, Julia n’avait pas imaginé ces malades qu’on
chargeait sur un camion afin, prétendait-on, de les transférer dans un autre
camp où elles recevraient les soins dont elles avaient besoin.
    Quelques jours plus tard, le camion revenait
avec les vêtements, les béquilles, les lunettes, les chaussures et même les dentiers
de ces femmes dont les kapos disaient en riant qu’on les avait « guéries ».
    Si elle avait su que, durant plus de deux
mille jours, elle aurait à affronter cela, comment aurait-elle eu la force de
survivre, ne pouvant concevoir que le lendemain serait pire que la journée qui
s’achevait ?
    Et, à présent, libre chez elle à Venise, Julia
se recroquevillait davantage encore, comme si elle n’avait pu accepter l’idée
que le courage de durer venait peut-être de l’impossibilité de prévoir la
démesure du mal.
    Elle devait admettre que l’espérance naissait
du refus de la mort, donc de la croyance en la résurrection.
    À Ravensbrück elle avait prié aux côtés de ces
femmes déportées parce qu’elles étaient des Témoins de Jéhovah qu’aucune
privation, aucune punition ne pouvait faire renoncer à leur foi.
    Julia les avait
protégées autant qu’elle avait pu, au risque de sa propre vie, car elle avait
découvert au long de ces deux mille jours qu’aider l’Autre, dans cet univers de
haine où les déportés de droit commun servaient d’exécuteurs aux SS, était la
seule manière de garder vive l’Espérance, comme si l’altruisme, la générosité, le
dévouement constituaient la preuve que l’homme n’était pas qu’un bourreau, un
assassin, qu’on pourrait un jour bâtir une société dont la peur et la violence
ne seraient pas les ressorts.
    Julia avait donc partagé son pain, aidé telle
ou telle déportée maladroite à finir sa tâche dans cet atelier de couture où on
les entassait pour confectionner des uniformes, nuit et jour, dans une
atmosphère torride. Les jambes gonflaient, se couvraient d’ulcères, et quand
enfin on avait le droit de rejoindre sa baraque, certaines pouvaient à peine
marcher. Mais il fallait encore se tenir immobile sur la place d’appel où les
chiens-loups des SS aboyaient, la bave débordant de leur gueule, et parfois ils
se jetaient sur une détenue et la lacéraient.
    Peut-être était-ce ce don de soi qui avait
donné à Julia la

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