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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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appartenait à la Guépéou, cette police
politique qui a été créée peu après notre départ de Moscou. Deux ans déjà !
Et ce Rat grignote bruyamment, rote, crache, me dit qu’il est Géorgien, comme
Staline. Et le voici tout à coup qui, d’une voix exaltée, me parle du
Secrétaire général du Parti, qu’il nomme familièrement Koba, qu’il a connu
autrefois à Tbilissi et sur qui repose le destin de l’Union des républiques
socialistes soviétiques, puisque c’est ainsi maintenant qu’on désigne la Russie
des Soviets.
    Le Rat mange, boit, somnole. Et je suis tentée,
à chaque arrêt du train, de sauter sur la voie, de me perdre dans cette Europe
pantelante et meurtrie dont je me sens issue. Et pourtant je reste sagement
assise dans le compartiment à subir les ronflements de Trounzé – c’est le nom
du Rat. Et je regarde défiler cette terre grise et monotone, et j’ai l’impression
de m’enfoncer dans la vase.
    Et puis, tout à coup, Petrograd comme un
soleil resplendissant, une Venise dorée, entourée de neige et de glace.
    Je me souviens : c’était ce que j’avais
appelé notre “voyage de noces”. Je me pendais au cou de Heinz. Lénine
haranguait la foule, parlait de chemin ouvert par le prolétariat russe vers la
révolution mondiale. Une fanfare avait joué La Marseillaise. C’était en
avril 1917. Nous arrivions de Zurich. La foule nous acclamait. Les marins de
Kronstadt escortaient Lénine. Ils étaient, avait dit Heinz, la proue de la
révolution. Quatre ans plus tard, ils se sont insurgés contre – criaient-ils – le
pouvoir oppresseur des bolcheviks. Je descends sur le quai de cette gare de
Finlande et je me souviens de mes illusions comme de belles fleurs rouges dont
presque tous les pétales sont tombés.
    « Trounzé me
conduit jusqu’au bureau de la Guépéou.
    Atmosphère enfumée, bruissante de
chuchotements comme ceux qu’on entend dans les églises au moment du Notre
Père. Je reconnais Willy Munzer qui est chargé de me surveiller – y-a-t-il
un autre mot ? – dans la dernière partie du voyage jusqu’à Moscou.
    Il représente le Komintern, me dit-il. Il m’accable
de questions. Ai-je vu Paolo Monelli en Italie ? On dit qu’il a rejoint
les fascistes et qu’il fait même partie de l’entourage de Mussolini.
    Je ne réponds pas.
    Est-ce bien le Komintern qui a envoyé Willy
Munzer ? Qui veut que je raconte ce que j’ai vu et compris durant ces deux
années ? Pourquoi ne pas attendre le retour de Thaddeus Rosenwald ? C’est
lui qui a négocié, lui qui sait.
    Moi, je n’étais que le masque futile, le
leurre, l’appât dont Thaddeus se servait pour distraire, séduire ces officiers
prussiens qui voulaient obtenir le droit d’entraîner leurs troupes sur le
territoire de la Russie, loin du regard des enquêteurs français ou anglais
chargés de s’assurer que la Reichswehr respectait les obligations du traité de
Versailles – ce diktat, comme disait Thaddeus.
    C’était le mot de passe, la formule magique
qui créait entre les Allemands et nous un climat de complicité. Thaddeus me
présentait avec emphase comme “la comtesse Garelli, une patriote italienne
issue de l’une des plus vieilles familles vénitiennes. Elle nous a rejoints
parce qu’elle refuse la soumission de son pays à l’impérialisme franco-anglais”.
    Puis il m’abandonnait quelques instants avec
ces messieurs de la Reichswehr, le temps pour moi de les séduire, et j’ai pris
plaisir à jouer ce rôle. Une nouvelle révolution dans ma vie…
    Je n’ai rien raconté de cela à Willy Munzer. Je
lui ai simplement dit que j’avais servi les Soviets, couchée dans des draps
frais.
    « Il en bégaie
et c’est moi qui l’interroge.
    J’ai appris à susciter les confidences. Tous
ces hommes ont tant besoin de se confesser !
    Je laisse Munzer poser sa main sur ma cuisse, appuyer
son menton sur mon épaule. Il murmure à mon oreille.
    Il faut que je sache que tout a changé, à
Moscou. Lénine n’est plus qu’un vieil impotent aphasique, paralysé, sénile, incapable
de lire, d’écrire. Il bave, il regarde le monde avec les yeux d’un enfant
apeuré, dépendant.
    — Staline a flairé le cadavre. Il a
planté ses crocs dans toutes les nuques, et en une année il a pris le contrôle
du Parti. Trotski est le seul à résister, mais la meute a reconnu en Staline le
tueur qui va vaincre, elle se soumet. Staline la nourrit : par mois, chaque
cadre supérieur du

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