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Le Pacte des assassins

Le Pacte des assassins

Titel: Le Pacte des assassins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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l’impitoyable
lucidité ?
    Le désir de vivre ne se nourrissait-il que de
mirages successifs ?
    Dans la steppe du Kazakhstan, dans les huttes
du camp de Karaganda comme derrière les barbelés de Ravensbrück, Julia avait
découvert que ses camarades communistes refusaient de savoir et que certaines d’entre
elles étaient prêtes, pour l’empêcher de parler, à la livrer aux kapos, aux SS
ou aux soldats du NKVD.
    Alors elle avait renoncé à les convaincre. Elle
s’était contentée d’aider les unes ou les autres, quand elle le pouvait. Ainsi
avait-elle arraché plusieurs fois à la mort Isabelle Ripert.
    Peu à peu, on avait pensé de Julia qu’elle
était l’une de ces chrétiennes que les communistes regardaient avec admiration
et commisération mais qu’elles ne dénonçaient pas, qu’elles ne condamnaient pas
à mort en les expédiant dans tel commando de travail dont personne ne revenait.
    C’était cette
impossibilité de faire partager la vérité qui avait, au long de ces sept années
de camps, le soviétique et le nazi, le plus blessé Julia Garelli.
    Puis, peu à peu, elle s’était persuadée que
personne ne pouvait transmettre aux autres son expérience, que chacun devait
parcourir son chemin vers la vérité, et que seul celui qui la connaissait
devait avoir assez d’humilité pour admettre qu’il avait été lui aussi aveuglé
par le mensonge, si bien qu’il ne devait pas condamner celui qui baignait
encore dans l’illusion. Que ce n’était pas tant la connaissance de la vérité ou
l’obstination dans l’erreur qui importaient, que le goût du pouvoir et l’indifférence
à la souffrance d’autrui. Et le fanatisme prédisposait à la brutalité, et l’aveuglement
tuait souvent la compassion.
    Mais Julia avait croisé suffisamment d’humains
pour savoir aussi que, parfois, on pouvait trouver plus de charité et de
compréhension chez un gardien chargé de surveiller les déportées que chez ces
dernières.
    Elle se souvenait de ce soldat qui, dans le
train qui roulait vers le camp de Karaganda, lui avait apporté de l’eau. Alors
qu’elle sanglotait derrière le grillage du compartiment destiné aux déportés, il
avait murmuré :
    — Ne pleure pas, tu rentreras un jour
chez toi.
    Et ces quelques mots prononcés d’une voix
douce lui avaient rendu espoir.
    C’était en octobre
1938.
    Julia avait déjà passé plusieurs semaines dans
les cellules des prisons de la Loubianka et de Boutirki.
    On l’avait enfermée des jours durant dans la « niche
à chien », cette cellule sans fenêtre, si minuscule que Julia, assise sur
le banc, avait ses genoux repliés qui touchaient la porte.
    Toutes les deux minutes, elle entendait le
petit déclic signalant que le soldat de garde soulevait le couvercle de l’œilleton
afin de s’assurer qu’elle vivait encore.
    Car on craignait les suicides de prisonniers.
    On l’avait emmenée plusieurs fois à l’interrogatoire.
L’escalier était grillagé afin qu’aucun détenu ne puisse se précipiter dans la
cage et en terminer avec les tortures, ces journées passées dans l’obscurité de
la « niche à chien », la promiscuité des cellules, quand les corps s’encastraient
les uns dans les autres.
    Lorsque, au milieu de cette nuit-là, on l’avait
entraînée à l’interrogatoire, elle avait pensé avouer tout ce que les gens du
NKVD désiraient pour en finir au plus vite.
    Mais, face aux juges dont l’interminable
questionnaire mettait en cause Heinz Knepper, Thaddeus Rosenwald, Willy Munzer
et d’autres dont Julia entendait pour la première fois les noms, elle s’était
rebiffée.
    Elle était innocente !, avait-elle crié. Elle
était une vraie bolchevik !
    Et, soudain, elle avait mesuré l’absurdité de
cette dernière affirmation.
    Eux aussi, les agents du NKVD, ces juges, ces
gardiens, ces tueurs, ce Loup dans sa tanière de Kountsevo, affirmaient être
des communistes, d’authentiques bolcheviks !
    Alors elle n’avait plus répondu et, pour ne
pas entendre les questions qui la harcelaient, ne plus craindre les coups qu’on
lui assénait, elle avait murmuré les prières de son enfance.
    Chrétienne elle l’était et cette croyance-là, peut-être
une illusion, était espérance en un dieu qui avait souffert lui aussi comme un
innocent accusé, torturé, crucifié.
    Et, apaisée, elle avait pu se souvenir d’Arthur
Orwett et des vagues grises de la Baltique.
    Puis, une autre nuit,
on la conduisit au

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