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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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moins, il n’y avait point d’équivoque.
    « Dire que j’avais cru l’aimer. Il est vrai que c’était la première. Quand on a faim, on mord dans un fruit pourri là où il paraît épargné par la corruption. Elle me montrait son bon côté. Elle n’avait rien d’une nonne quand je l’ai connue… Et son potron flambait quand nous étions seuls. Du moins me le faisait-elle accroire en pensant au vrai père d’Olivier… qu’elle fréquente encore. Qui sait ? Si mon père s’est abstenu – et je le crois – pendant toutes ces années, elle n’a pas pu se passer d’hommes. Avec moi, il lui fallait sa rate 239 chaque jour dans les bois, chaque nuit dans sa chambre, après que j’eus grimpé à l’échelle disposée dans la remise toute proche de sa fenêtre… »
    Avait-elle engagé de jeunes et robustes serviteurs ? Sans doute… Ceux-ci, cette vesprée, avaient-ils reçu mandement de demeurer dans leurs logis le temps que les intrus s’en allassent ?… Cependant, la façon dont Aliénor caressait l’épaule d’un fils presque aussi grand qu’elle et en âge de forniquer révélait peut-être autre chose.
    – Resterez-vous, toi et tes hommes ? demanda-t-elle impatiemment. Entre ou ferme l’huis : j’ai froid.
    « Au lieu de m’ouvrir son cœur, elle n’a fait que déclore ses jambes. »
    Tristan s’aperçut qu’il avait les doigts gourds. Ce n’était pas l’effet malencontreux du gel : il serrait les poings depuis l’apparition de cette femme et de ce fils étrangement inséparables.
    – Non, nous ne restons pas. Veni, vidi…
    –  Hein ? fit Olivier.
    Aliénor cessa de le caresser : il avait de lui-même dégagé son épaule.
    – Reste auprès de nous !
    Elle cillait des yeux comme jadis. Comme jadis, elle était une espèce de tentation vivante, vibrante. Tristan fit quelques pas dans la cour.
    – Holà ! dit-il, interpellant ses hommes avec une voix de chef qui lui répugna. Je suis à vous bientôt.
    Il était à eux, effectivement, et non point à cette singulière famille.
    Une main le saisit à la saignée du coude.
    – Reste ! supplia furtivement Aliénor. Il ne te connaît pas. Tu peux t’en faire aimer… Reste !
    Si peu qu’elle eût mis de tendresse en ce verbe, il s’était corrompu. La vesprée donnait à son regard plus d’éclat, plus de passion. Tristan décida d’en finir :
    – Tout d’abord, cet Olivier n’est pas mon fils. Ensuite, Tiercelet, que j’ai rencontré en Avignon, m’a dit qu’après Brignais, où je fus retenu prisonnier, il était venu à Castelreng avec mon épouse : Oriabel.
    Le mot épouse passait mal. Oriabel et lui avaient reçu les sacrements d’un faux prêtre. Mais qu’importait. Et maintenant qu’il évoquait la jouvencelle, il pouvait se dire une fois encore avec conviction que c’était bien la seule femme qu’il eût aimée d’un amour parfait.
    –  C’est vrai : ils sont venus. Ils voulaient t’attendre. Ton père les a accueillis à bras ouverts. Pas moi : elle t’aimait trop.
    – Tu étais l’épouse de mon père mais tu as fait en sorte de la décourager. Tu lui as dit qu’Olivier était notre fils et que Thoumelin avait réparé ma désertion (405) .
    – C’est la vérité !
    – Mensonge ! Tu as conçu ton Olivier avant que nous nous soyons connus !
    – Prouve-le !
    – Tu n’as eu de cesse de briser la confiance qu’Oriabel avait en moi… Tu t’es réjouie de la voir fuir Castelreng comme une folle et tu t’es bien gardée de prévenir Tiercelet… Tu savais qu’elle allait mettre fin à ses jours en pensant que je l’avais trahie.
    – Je voulais te garder près de moi, même en étant l’épouse de Thoumelin.
    C’étaient là des propos insensés.
    – Depuis toujours, tu as fait en sorte que ce fils de je ne sais qui porte le nom de ma famille.
    – Il en est fier !
    Tristan vit Lebaudy commencer à débater Mahaut, et Lemosquet dénouer la première corde qui maintenait les armures enfardelées sur Carbonelle.
Non, Girard !… Non, Yvain !… Nous allons repartir.
    – Hein ? fit Paindorge dont le visage émergeait de derrière la croupe de Malaquin.
    – Oui, nous allons partir… J’achève mes adieux.
    Tristan planta son regard dans des yeux qui ne larmoyaient pas :
    – Tu es fausse et malfaisante. Olivier n’est pas que méchant ; il est cruel.
    Aliénor ne dit mot : elle digérait ce jugement hâtif et dérisoire. Tristan sourit

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