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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Narbonnais.
    Il avait suffi d’une nuit pour que la promptitude de leur engagement n’étonnât plus les quatre compagnons. Ils employèrent le lendemain à connaître les trois valets chargés, conjointement à leurs dévotions, du ménage et de la cuisine, et les quatre soudoyers : Petiton, Foulques, Guichart et Jovelin, lesquels, en cas de bataille, n’eussent pas manié une arme plus longuement que trois oraisons. Ces quadragénaires hâlés par les soleils d’été, tannés, l’hiver, par les vents glacés du Termenès, leur firent un accueil d’autant plus obséquieux qu’ils n’avaient jamais eu à tirer l’épée. La seule hampe qu’ils eussent tenue n’était point celle d’une arme d’hast. C’était celle de la croix processionnelle qu’ils tiraient de la sacristie aux grandes fêtes religieuses. Elles assemblaient à l’entour du château quelque cinquante ouailles.
    La vie s’ordonna, pondérée par le balancement des cloches et l’assiduité à certaines messes : laudes, nonc ou complies 258 . La première dite par Clinquant de Limoux, le plus vénérable des clercs ; la seconde par Pons de Missègre, un barbu grand et brun de quelque vingt-cinq ans ; la troisième par Fortifiet d’An tugnac, glabre, gros et jovial qui s’adressait au Christ comme à un compère. Cette contrainte ne déplaisait qu’à Paindorge. Quand, après trois jours de halte, Mossen Pierre de la Jugie partit pour Carcassonne en compagnie de son confesseur et des frères Pons et Clinquant, de Petiton, Foulques, Guichart et Jovelin, l’écuyer put demeurer au lit le matin sans que frère Fortifiet s’en courrouçât. Il avait l’esprit aussi large que sa personne. Pour son retour à Narbonne, le prélat ne devait pas repasser par Villerouge mais cheminer par Trèbes. Capendu, Lézignan et Canet 259 .
    À leur revenue de l’archevêché, les deux clercs et les quatre soudoyers fournirent à Tristan et ses hommes quelques nouvelles :
    Henri de Trastamare était lentement et prudemment reparti pour l’Espagne à la tête de quatre cents lances composées de Castillans, Français, Aragonais et routiers. Ils étaient commandés par le Bègue de Villaines, le Bâtard de Béarn 260 et le comte d’Osuma 261 . L’usurpateur déchu avait emmené son épouse et son fils et laissé à Peyrepertuse sa fille et les nobles dames qui l’eussent trop gêné dans sa reconquête. Il avait décidé de couper par l’Andorre pour gagner le comté de Ribago rza qui appartenait à l’infant En Pere 262 bien que le roi d’Aragon, allié des Anglais, eût menacé de lui interdire le passage. Ce qu’on savait encore, c’était que de nombreux pétaux renforçaient son armée. Elle avançait sans coup férir.
    Les vengeances terrifiantes que Pèdre avait commises après sa demi-victoire à Nâjera avaient eu pour conséquence de dresser contre lui la plupart de ses sujets, même les plus farouches adversaires de Henri. À la tête d’une armée de plus en plus nombreuse, celui-ci avait atteint Burgos. Les Juifs favorables à Pèdre avaient pris les armes contre lui cependant que les Chrétiens, en procession, étaient allés accueillir ceux qu’ils considéraient comme des libérateurs. Les Juifs avaient capitulé, puis le Gouverneur 263 . La prise de Burgos avait stimulé les ennemis de Pèdre. Partout, les cités s’étaient soulevées contre lui, de sorte qu’il avait essayé de s’allier avec les Maures de Grenade qui ne s’empressaient pas de le servir 264 . En Castille, Henri grossissait encore son armée. Il avait vu réapparaître son frère Tello, le déserteur de Nâjera et avait fait en sorte de s’en débarrasser 265 . Le 15 janvier 1368, Henri avait assiégé victorieusement Leôn et s’était empressé de venir en aide aux populations des Asturies. Puis il avait conquis Tordehumos et y avait perdu un ami : le comte d’Osuma. Madrid avait capitulé. Tolède allait être assiégée.
    –  Les Juifs s’y montreront ardents et hardis à la défense.
    – Croyez-vous, Castelreng ? demanda Pons de Missègre.
    – J’en suis certain, mon père. Il faut avoir vu ce que l’armée de Don Henri et la ribaudaille du roi de France ont commis en Espagne contre ces gens pour être sûr qu’ils se battront comme…
    – Comme ? demanda Mossen Pons.
    Tristan s’abstint de répondre « comme des preux ». À quoi bon : les trois clercs qui l’entouraient n’eussent pas compris l’estime qu’il

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