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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Je me sens désormais votre obligée, messire, pour cette louange et pour tout ce que vous m’avez dit… On ne peut rompre avec son passé. Je viens de le comprendre avec un gros émoi. Demandez-moi tout ce que vous voudrez.
    – Tout ? aventura promptement Tristan.
    Question des plus brèves dont elle eût pu se courroucer.
    – Hé ! Hé ! Messire. Après les audaces de la guerre, celles de…
    Elle s’interrompit : le mot semblait énorme, mais il était écrit sur ses lèvres pincées.
    – La voilà, dit-elle encore. Jeanne n’est point dangereuse. Cependant, il vaut mieux qu’elle nous sache… ennemis.
    La princesse venait vers eux lentement, fière de cette charnalité nonchalante qui formait l’élément capiteux de sa marche. À demi révélés par des sandales dorées, les pieds menus effleuraient les dalles tandis que la tête haute, inclinée çà et là vers quelque connaissance, exprimait la bonté, la bienveillance et surtout, par une aisance irréprochable, cette royauté instamment souhaitée dont il convenait de simuler les usages. Les joues se teintaient de rose quand dame Jeanne sentait des regards percer sa robe, mais au fond, songea Tristan, plutôt que de trouver ces secrètes investigations désagréables, elle se délectait de leur répétition. Elle abandonnait quelquefois sa dextre à une bouche goulue, pelue, cependant que des regards, encore et toujours, volaient sur l’encolure du vêtement aux contours fluides et sur ce qui était plus qu’un affleurement. Et ces hommes hardis, aveulis de désir, n’osaient trop contempler les deux fruits que monseigneur Édouard devait empaumer sans façon cependant que, se détournant un peu, Jeanne devait grimacer d’un dégoût de plus en plus dépourvu d’indulgence. Mais quoi ? Elle l’avait voulu son héritier de la Couronne doublé d’un chevalier du bleu gertier 50  ! Elle devait frémir d’un émoi répulsif quand bleu, blanc, noir ou rouge, il détachait le sien.
    – Eh bien, dit-elle avec ce sourire chaste et audacieux qui donnait à penser que tout était possible avec elle pourvu qu’on lui eût « tapé dans l’œil ». Il me semble à vous voir ainsi que vous vous amourez depuis votre jeunesse prime.
    –  Amourez me paraît une excessivité, Joan, s’indigna suavement Tancrède. Ores, sachez que messire Castelreng vient de me donner des nouvelles de ma sœur Claresme. Il l’a vue à Tolède quand l’armée du Trastamare et de Guesclin y est passée.
    La belle Jeanne frotta l’un de ses bras, puis l’autre comme s’il faisait froid tout à coup sous les voûtes dont le soleil pourtant avivait les splendeurs. Ce n’était point cela : elle se caressait. Elle aimait cette chair, cette pulpe qui résistait merveilleusement aux atteintes du temps. Elle devait aimer que l’autre la touchât, l’attouchât car parfois leurs regards échangeaient des promesses.
    « On dit », songea Tristan, « qu’en même temps qu’elle partageait la vie de Thomas Holland, son premier mari, elle avait des amants. C’est une insatiable. »
    Mais qu’avait-il à méditer, pauvre otage en sursis, sur les passions de la future reine d’Angleterre ? Si sa beauté déjà souveraine la désignait dès maintenant pour occuper la première marche du trône, il n’était point certain qu’elle accéderait au siège auprès duquel s’assiérait un époux tourmenté par la maladie. Elle régnait déjà sur les Bordelais et les Anglais d’Aquitaine. La Grande Ile était loin…
    Un personnage que certains chevaliers semblaient entourer d’égards particuliers apparut. Il était de petite taille, le cheveu blond-blanc, rare. Les yeux aux aguets tout au fond d’orbites creuses brillaient intensément.
    – Sire Loring 51 , dit Tancrède. Il semble, Jeanne, qu’il vous ait vue et vous demande.
    – Le poison ! broncha la princesse.
    Elle se précipita, la main tendue pour un baiser dont elle ne se souciait guère. Tristan sentit le regard de Tancrède percer le sien.
    – Défiez-vous de ce petit homme à la joute. C’est un pervers.
    Puis en hâte, sans cesser d’observer son amie :
    – Vous logez chez Hugh ?
    – Oui.
    – Ne bougez pas de sa maison. Exercisez-vous pour ces joutes et le pas d’armes. Avez-vous une armure ?
    – J’aurai la mienne, mon épée, un bon cheval : Malaquin. Mon coursier a disparu à Nâjera. Je le crois vivant. Sa robe est couleur neige, aussi fraîche, aussi douce. Il ne

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