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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’intérêt qu’il allait porter…
    – À la guerre ? suggéra Tancrède, insensible à l’agitation des gens autour d’elle.
    – Oui… Peut-être espérait-il y disparaître.
    Eût-elle acquiescé à cette conclusion ? Elle dut se retenir d’exprimer sa pensée : Jeanne de Kent revenait en allongeant son pas dansant autant que le lui permettait l’évasement de sa robe.
    –  Nous nous reverrons, dit-elle. Oh ! Oui, nous nous reverrons, chevalier !
    – J’en formule le vœu, murmura Tristan, tout en réprouvant une impatience dont Tancrède, satisfaite, semblait l’avoir contagionné.
    Cette nuit-là, il eut beau se tourner et se retourner dans son lit, les jambes à l’air et le corps humide, le sommeil lui fît défaut. Les événements de la matinée s’étaient imprimés dans sa mémoire avec une telle netteté qu’il ne pouvait douter de leur véracité sans toutefois craindre leurs conséquences. Il revoyait la belle Jeanne de Kent et la non moins belle Tancrède de Rechignac. Il réentendait tout ce que lui avait dit cette dernière. Sa voix de feutre aux accents vibrants et prometteurs le laissait indifférent aux ronflements de Paindorge.
    L’émoi de cet enchantement s’était répandu dans ses sens. Il excitait son imagination d’homme privé de tout hormis de nourriture. Il dut se lever pour trouver de la fraîcheur dans l’embrasure de la fenêtre ouverte sur le miroitement du ciel.
    « Être le meilleur ?… Je lui ai menti. Je peux affronter victorieusement deux ou trois hommes à la joute. Mais combien seront-ils à me vouloir saigner ? Le pas d’armes est pire encore : un châtelet d’étoffes et de planches à défendre contre une flo te 55 . Je serai seul, sans doute, avec Paindorge mal remis de sa navrure, à empêcher dix ou vingt Goddons d’entrer dans la place. Maudits soient les Anglais et leur prince en premier ! »
    Marchant sur les talons, il revint se coucher. Maintenant l’écuyer parlait dans son sommeil mais sa voix pâteuse ne révélait rien de son rêve.
    La cité macérait dans une chaleur si lourde qu’aucun oiseau n’osait s’élever au-dessus des toits. Seules les ratepennades 56 au vol titillant et bref animaient l’immobilité nocturne. Il semblait, parfois, qu’elles voulussent entrer dans la chambre, solitaires, sautillantes avant que de se dissoudre dans une obscurité légère et un silence que profanait de loin en loin le cri d’un homme ou l’aboiement d’un chien.
    *
    Quand il s’éveilla, le soleil abandonnait son parement de nacre et de pourpre. L’or brillait sur Bordeaux. Quelques brasillements donnaient un semblant de vie à des fenêtres vitrées. Les moineaux pépiaient sur les toits et des sabotements révélaient la présence d’hommes d’armes à cheval. Les roues d’un tombereau tressautèrent sur le pavement de la rue. Une cloche sonna, incitant ses sœurs à donner de la voix.
    – Que fait-on ? demanda Paindorge en bâillant.
    Tristan rejeta les draps moites et s’étira :
    – On doit nous apporter nos harnois. Nous les examinerons soigneusement. Il faut que tous les cuirs résistent et que les plates ne se faussent point. Je te l’ai dit hier : Édouard veut notre mort. Il faut le décevoir.
    Vers midi, Shirton et un garçon inconnu des deux hommes leur apportèrent quatre fardelles contenant les habits de fer.
    – Hugh Calveley les avait dans son charroi. Sitôt que vous les aviez ôtées, à Nâjera, il avait pris soin de vos armures.
    – Elle est bien à moi, dit Tristan quand il eut extrait la sienne, pièce par pièce, de deux grands sacs en peau de truie… Et toi, Robert ?
    – C’est la mienne, confirma Paindorge.
    Shirton parut soulagé.
    – Hugh, dit-il, veut que vous vous exercisiez. Il vous fournira les targes et veillera, dans la lice, à ce que vos lances soient saines.
    Tristan sourit : le géant le merveillait par son intégrité. N’allait-il pas, ainsi, se créer des inimitiés chez ses pairs ? Il fallait, si possible, en savoir davantage.
    – Quelles sont les rumeurs sur cette passe d’armes ?
    Shirton haussa les épaules. Il savait peu de chose. Il ne fréquentait pas les grands seigneurs.
    – Au souper d’hier auquel messire Hugh assistait, ce qui est rare, Grailly a parlé de vous. Il veut vous infliger une leçon. Guichard d’Angle et Nigel Loring en seront. Chandos n’a pas pu faire autrement que de se déclarer contre vous… Avant de se mettre à

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