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Le pas d'armes de Bordeaux

Le pas d'armes de Bordeaux

Titel: Le pas d'armes de Bordeaux Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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deux hommes qui s’étaient complu dans la guerre en semblaient maintenant très éloignés bien que les noms de Pèdre et de Henri revinssent fréquemment sur leurs lèvres.
    – Attends-moi au-dehors, fit tout à coup Calveley, suspicieux. Le prince a des secrets qu’il ne confie qu’à moi.
    Tristan s’inclina encore. À peine avait-il franchi le seuil qu’il entrevit la belle Jeanne et Tancrède entourées de chevaliers et d’écuyers. Pour ces hommes affriandés par la prochaine fête d’armes, les plus chères délices devaient être ces collations 46 impromptues avec deux belles dames apparemment intouchables.
    « Intouchables ? Voire… Touchantes en vérité. »
    Tancrède l’aperçut, chuchota quelques mots à l’oreille de sa compagne et s’avança vers lui, soulevant assez haut sa robe afin de donner plus d’aisance à son pas.
    Tristan fut derechef subjugué par cette beauté brune sûre de sa valeur et de sa vénusté. Ce qu’il savait de sa jeunesse, il le tenait d’Ogier d’Argouges. Il se fiait, pour la maturité, aux propos de Calveley.
    « Si Jeanne est la princesse, elle est la souveraine. »
    Née en Pierregord, élevée dans un couvent, Tancrède avait surtout parachevé ses manières et son langage doucereux auprès de la noblesse anglaise. Ce jourd’hui, dans ce voisinage purement goddon, parmi des guerriers renommés, elle se sentait aussi à l’aise que la belle Jeanne qui, disait-on, se remettait mal de ses couches. Le fils d’Édouard, Richard 47 semblait en meilleure santé que son aîné, selon Hugh Calveley. Quant à Tancrède, elle était tellement admirée de ses amis innombrables que certaines dames de la Cour la détestaient. Mais d’autres eussent commis des folies pour obtenir son amitié.
    – Toujours sain et sauf, messire ?
    Elle pouvait en juger. Tristan se vit accorder le plus aimable des sourires tandis qu’elle s’inquiétait de la façon dont il avait été traité.
    – Comme un gladiateur, dame, ni plus ni moins. Je vais courir des lances et être du pas d’armes.
    L’avait-elle écouté ? Il ne le semblait pas. Elle s’informa de la mort de son cousin. Il la lui raconta aussi brièvement qu’elle s’était produite.
    – Un archer, Lionel, lui a décoché une sagette dans le dos. Ce garçon était de Rechignac.
    – La chevance de mon père 48 .
    Elle semblait d’autant plus affligée que son passé, soudain, lui revenait en tête. Ses grands yeux de chatte étirés vers les tempes suivaient le mouvement des lèvres de cet homme qui avait vu mourir son cousin et dont la tristesse renaissait, imprégnée d’une désespérance moins crue.
    – Lionel, dame Tancrède, était le fils qu’Ogier avait eu d’une meschine 49 .
    – Anne.
    – Morte de la morille. L’enfant fut élevé au château pour le soustraire à un père terrible…
    – Thibaut… Guillaume de Rechignac étant mort à Ashby, j’aimerais bien savoir qui vivait au château… Poursuivez, Tristan, je vous prie.
    Tristan ! Elle en était déjà aux privautés.
    – Lionel, ma dame, a mal tourné, comme on dit. Il commandait à des malandrins. L’Espagne fut pour eux un lieu merveilleux pour y commettre… tout. Ce huron en voulait à Ogier d’Argouges de l’avoir abandonné.
    – Quand il s’en est allé, il n’y avait que deux mois qu’Anne était grosse. Elle était belle, aimante. Las ! Ce n’était qu’une meschine… Je n’ai pas connu Blandine, mais je sais quelle épouse il lui aurait fallu.
    « Toi sans doute », songea Tristan tout à coup certain que l’affection de ces deux êtres avait outrepassé le cousinage.
    Se doutait-elle qu’il la dévisageait avec une sorte de vertige ?
    L’ovale de la face était parfait. Le modelé du menton révélait un tempérament enclin à des hardiesses dont il eût voulu connaître l’espèce et les limites. La bouche était une rose qu’il souhaita toucher de la sienne et butiner à en perdre le souffle. Brune plus encore que Francisca. Mais la Sévillane était dépourvue d’imagination amoureuse, sauf quand elle dansait et se faisait déesse le temps de ses trépignements éperdus. En dehors de quelques élans imprévisibles, elle se révélait modérément sensuelle – comme Luciane. Elles manquaient de mystère. C’étaient d’admirables compagnes, nullement les complices des bienfaits qu’il imaginait sans que peut-être Tancrède en soupçonnât les tenants et les

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