Le pays de la liberté
C'est ce que j< vais faire. ª
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La vieille piste des chasseurs de bisons qu'on appe lait la piste des Trois Entailles allait vers l'ouest pen dant des milles, à travers les collines de Virginie Comme on pouvait le voir sur la carte de Mack, elle était parallèle à la rivière James. Elle traversait une série sans fin de crêtes et de vallées creusées par les centaines de petits ruisseaux qui s'écoulaient vers le sud jusqu'à la rivière James. Ils traversèrent d'abord un certain nombre de grands domaines mais, à mesure qu'ils s'enfonçaient vers l'ouest, les maisons et les champs devenaient plus petits, les terres en friche et les bois plus vastes.
Lizzie était heureuse. Elle était effrayée, angoissée et bourrelée de remords, mais elle ne pouvait s'empêcher de sourire. Elle était en plein air, sur un cheval, auprès de l'homme qu'elle aimait, au début d'une grande aventure. Son esprit s'inquiétait de ce qui pourrait arriver, mais son cúur chantait sans cesse.
Ils poussèrent les chevaux, car ils craignaient d'être suivis. Alicia Jamisson n'allait pas attendre tran-431
quillement à Fredericksburg que Jay rentre à la maison. Elle avait déjà d˚
adresser un message à William-sburg, ou même s'y être rendue pour le prévenir. Si leur fuite n'avait pas eu de conséquences financières, Jay aurait peut-être haussé les épaules et les aurait laissés partir. Mais maintenant il avait besoin de sa femme pour lui donner le petit-enfant indispensable à l'héritage. Il allait poursuivre Lizzie : c'était une quasi-certitude.
Ils avaient plusieurs jours d'avance sur lui, mais Jay voyagerait plus vite, car il n'avait pas besoin de tout un chariot de provisions.
Le troisième jour, le paysage se fit plus accidenté. Les champs cultivés cédèrent la place aux p‚turages et dans la brume à l'horizon apparut une chaîne de montagnes bleutées. Avec les milles qui passaient, les chevaux s'épuisaient, trébuchant sur la piste rocailleuse et s'obstinant à ralentir l'allure. Dans les montées, Mack, Lizzie et Peg descendaient du chariot et marchaient pour alléger la charge, mais ce n'était pas suffisant. Les bêtes baissaient la tête, ralentissaient encore l'allure et ne réagissaient plus au fouet.
´ qu'est-ce qu'ils ont ? demanda Mack avec inquiétude.
- Il faut les nourrir mieux, répondit-elle. Ils subsistent sur ce qu'ils peuvent brouter la nuit. Pour un travail comme celui-là, tirer un chariot toute la journée, les chevaux ont besoin d'avoine.
- J'aurais d˚ en apporter, dit Mack avec regret. Je n'y ai jamais pensé : je ne connais pas grand-chose aux chevaux. ª
Cet après-midi-là, ils parvinrent à Charlottesville, une nouvelle bourgade qui se développait là o˘ la piste des Trois Entailles croisait la piste Seminole, un vieux chemin indien. On avait tracé le plan de la ville en rues parallèles qui escaladaient la colline en partant de la piste, mais la plupart des terres étaient encore en friche et il n'y avait qu'une douzaine de maisons. Lizzie aperçut un tribunal devant lequel on 432
avait planté un pilori, ainsi qu'une taverne dont l'enseigne affichait l'image sommairement peinte d'un cygne. Ńous pourrions trouver de l'avoine, dit-elle.
- Ne nous arrêtons pas, dit Mack. Je ne veux pas que les gens se souviennent de nous. ª
Lizzie comprit son raisonnement. Les carrefours poseraient un problème à
Jay. Il devrait découvrir si les fugitifs avaient pris vers le sud ou poursuivi vers l'ouest. S'ils attiraient l'attention en s'arrêtant à la taverne pour se ravitailler, ils lui faciliteraient la t‚che. Les chevaux n'auraient qu'à souffrir un peu plus longtemps.
quelques milles après Charlottesville, ils s'arrêtèrent là o˘ une piste à
peine visible traversait la route. Mack alluma un feu et Peg fit cuire de l'hominie. Il y avait certainement du poisson dans les cours d'eau et des cerfs dans les bois, mais les fugitifs n'avaient pas le temps de chasser ni de pêcher : ils se contentèrent donc de bouillie. Elle était sans go˚t, trouva Lizzie, et sa consistance visqueuse la dégo˚tait. Elle se força à en avaler quelques cuillerées, mais elle était au bord de la nausée et elle jeta le reste. Elle avait honte de penser que les ouvriers de la plantation mangeaient cela tous les jours.
Tandis que Mack lavait leurs écuelles dans un torrent, Lizzie entrava les chevaux pour qu'ils puissent brouter la nuit sans risquer de s'enfuir. Puis tous trois
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