Le pays des grottes sacrées
Jondi m’a emmenée, il a monté Rapide. Whinney
était là aussi mais elle n’avait personne sur elle, pourquoi tu n’es pas venue,
maman ?
— J’aurais bien voulu, Bébé,
répondit Ayla.
Le surnom affectueux de sa fille
était semblable au mot « bébé » donné au lionceau blessé qu’Ayla
avait recueilli, soigné et élevé. C’était une déformation du terme clan pour
« nouveau-né » ou « petit ».
— Mais un homme s’est blessé
en tombant aujourd’hui. Zelandoni le soigne et j’essaie de l’aider.
— Quand il sera guéri, tu
viendras ?
— Oui, quand il sera guéri,
j’irai faire des promenades à cheval avec vous, promit-elle.
S’il guérit, pensa-t-elle.
Elle se tourna vers Jondalar.
— Emmène Loup aussi, s’il te
plaît.
Elle avait remarqué que la
compagne du blessé regardait l’animal avec crainte. Elle semblait aussi se
méfier d’Ayla, surtout après l’avoir entendue prononcer le surnom de son
enfant. Même modifié, il avait une consonance étrange.
Après le départ de son compagnon
avec Jonayla et Loup, Ayla retourna auprès du blessé, Jacharal.
— Son état s’est
amélioré ? s’enquit-elle.
— Rien ne l’indique,
répondit Celle Qui Était la Première, satisfaite de pouvoir parler franchement
maintenant que les deux femmes étaient parties. Quelquefois, les blessés
demeurent longtemps ainsi. Si on parvient à leur faire avaler de l’eau et de la
nourriture, ils tiennent ; sinon, ils passent en quelques jours. C’est
comme si l’esprit était perdu, comme si l’elan n’était pas sûr de vouloir quitter
ce monde alors que le corps respire encore. Parfois, ils se réveillent mais
sont incapables de bouger, ou une partie de leur corps ne ressent plus rien ou
ne guérit pas bien. Il arrive qu’avec le temps certains se remettent d’une
pareille chute, mais c’est rare.
— A-t-il perdu du liquide
par le nez ou les oreilles ?
— Pas depuis qu’on l’a amené
chez moi. La plaie à la tête semble superficielle, mais il a de nombreux os du
corps brisés et je crois que les blessures vraiment graves sont à l’intérieur.
Je le veillerai cette nuit.
— Je resterai avec toi.
Jondalar a emmené Jonayla, et Loup aussi. Je crois qu’il effrayait la compagne
de Jacharal.
— Elle n’a pas eu le temps
de s’habituer à ton animal. Elle n’est pas d’ici, elle s’appelle Amelana. La
mère de Jacharal m’a raconté leur histoire. Il est parti faire un Voyage dans
le Sud, il s’est uni à cette femme là-bas et l’a ramenée. Je ne suis même pas
sûre qu’elle soit née sur le territoire zelandonii. Les limites n’en sont pas
toujours claires. Elle parle assez bien la langue mais avec un accent du Sud,
un peu comme Beladora, la compagne de Kimeran.
— C’est triste d’avoir fait
tant de chemin pour perdre peut-être son compagnon. Je ne sais pas ce que
j’aurais fait si j’avais perdu Jondalar juste après mon arrivée ici, dit Ayla,
frissonnant à cette pensée.
— Tu serais restée pour
devenir une doniate, exactement comme maintenant. Tu l’as dit toi-même :
tu n’as pas vraiment un endroit où retourner. Tu ne referais pas seule tout ce
chemin pour rejoindre les Mamutoï, qui pourtant t’avaient adoptée. Ici, tu es
plus qu’adoptée. Tu es chez toi. Tu es une Zelandonii.
Ayla fut surprise par la ferveur
des propos de la Première, et plus encore gratifiée. Elle se sentit appréciée.
Ce ne fut pas le lendemain matin
mais le jour d’après qu’Ayla rentra, finalement. Le soleil se levait et elle
s’arrêta un instant pour regarder le rougeoiement, plus vif à un endroit,
commencer à saturer le ciel de l’autre côté de la Rivière. La pluie avait cessé
mais des nuages s’effilochaient en brillantes traînées rouge et or bas sur
l’horizon. Lorsque la première lueur s’éleva au-dessus des falaises, Ayla
s’abrita les yeux de la main pour repérer les formations rocheuses proches afin
de comparer le point d’émergence de la lumière avec celui de la veille.
Bientôt il lui incomberait de
noter les levers et couchers de la lune et du soleil pendant une année. Le plus
difficile, l’avaient prévenue d’autres membres de la Zelandonia, c’était le
manque de sommeil, en particulier quand on observait la lune, qui apparaissait
ou disparaissait parfois dans la journée, parfois en pleine nuit. Le soleil,
bien sûr, se levait toujours le matin et se couchait le soir, mais
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