Le pays des grottes sacrées
Première
avec une fermeté qui n’admettait pas de réplique. C’est Ayla qui a reçu le Don.
C’est à elle d’en informer les autres, c’est son devoir. Elle a été appelée
cette saison, et envoyée à la Réunion d’Été pour cette raison.
La Première fixa les autres
doniates de son regard noir, puis son expression se radoucit, et son ton se fit
presque cajoleur :
— Ne serait-il pas préférable
d’en finir avec cela au plus tôt ? La saison touche à son terme, il ne
serait pas bon que trop de difficultés se fassent jour avant notre départ, et
vous pouvez être certains que nous en aurons notre part. En procédant ainsi,
nous aurons tout l’hiver pour amener chacune de nos Cavernes à se faire à cette
idée. D’ici à la saison prochaine, il n’y aura plus de raison pour que cela
pose un problème.
La Première aurait bien aimé être
persuadée de ce qu’elle venait de dire. À la différence du reste de la Zelandonia,
elle pensait depuis bien des années que l’homme jouait un rôle dans la création
d’une vie nouvelle, et ce avant même sa première conversation avec Ayla. Le
fait que celle-ci soit arrivée à cette même conclusion était d’ailleurs l’une
des raisons qui avaient amené la doniate à souhaiter voir Ayla devenir
Zelandoni. Ses observations étaient empreintes d’une grande perspicacité et
elle n’était pas entravée par les croyances dont les Zelandonii étaient nourris
avec le lait de leur mère.
C’était ce qui avait poussé la
Première à prendre cette décision dès qu’elle avait entendu Ayla lui raconter
ce qu’elle avait vécu dans la grotte : l’idée devait être rendue publique
sans attendre, quand tout le monde était encore rassemblé. Elle aurait
volontiers fixé la cérémonie au lendemain si elle avait jugé possible de
l’organiser en si peu de temps.
Comme elle le faisait souvent
sous prétexte de se reposer ou de méditer, en donnant l’impression de ne pas se
soucier de ce qui l’entourait, la Première patienta un moment, regardant les
membres de la Zelandonia commencer à élaborer diverses approches. Elle entendit
ainsi le Zelandoni de la Onzième dire :
— La bonne démarche
consisterait peut-être à reproduire l’expérience d’Ayla…
— Nous n’aurions même pas à
reprendre l’ensemble de l’expérience, il suffirait d’en transmettre l’esprit,
avança celui de la Vingt-Sixième.
— Si nous disposions d’une
caverne assez vaste pour contenir tout le monde, cela nous aiderait bien,
intervint la Zelandoni de la Deuxième Caverne.
— Nous pourrions laisser
l’obscurité de la nuit jouer le rôle des parois d’une grotte, proposa celui de
la Cinquième. Avec juste un grand feu au milieu, cela aiderait à concentrer
l’attention de tous.
Bien, se dit la Première,
écoutant les doniates échanger leurs propositions. Ils se mettent à réfléchir à
la meilleure façon d’organiser la cérémonie plutôt qu’aux objections que
celle-ci pourrait soulever.
— Il faudrait que nous ayons
des tambours pour le Chant de la Mère.
— Et des chanteurs.
— La nouvelle Zelandoni ne
chante pas.
— Sa voix est si remarquable
que cela n’a pas d’importance.
— On pourrait avoir des voix
en arrière-plan. Sans les mots, juste le son.
— Si on ralentit la cadence
des tambours, le Chant de la Mère aura un impact encore plus grand, en particulier
à la fin, quand elle récitera la dernière strophe.
Ayla semblait embarrassée par
l’attention qu’on lui manifestait, et par les suggestions qui s’échangeaient
sur le rôle qu’elle devait jouer, mais au bout d’un moment elle aussi commença
à se mêler de la discussion sur l’organisation de la cérémonie :
— Danug et Druwez, les deux
jeunes visiteurs mamutoï, savent jouer du tambour de façon à donner
l’impression qu’il s’agit de voix humaines. C’est troublant, et très
mystérieux.
— J’aimerais bien les entendre
d’abord, dit la Zelandoni de la Quatorzième.
— Bien sûr, approuva Ayla.
Sans en avoir conscience, la
jeune femme se montrait extraordinairement perspicace lorsqu’il s’agissait de
la psychologie de ses semblables. La tactique de la Zelandoni Qui Était la
Première consistant à pousser la Zelandonia à organiser la cérémonie ne lui
avait pas échappé. À des degrés divers, parfois sur un plan subliminal, parfois
sur un autre parfaitement conscient, elle avait admiré la façon dont la
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