Le pays des grottes sacrées
grandir.
Le garçonnet était à peine plus
jeune que son fils la dernière fois qu’elle l’avait vu, et il lui rappelait si
fort Durc qu’elle en avait presque mal. Ayla se demanda quel forme d’esprit il
pourrait bien avoir : aurait-il en tout ou partie la mémoire de ceux du
Clan et en même temps la capacité de créer des œuvres d’art et de s’exprimer
avec des mots, comme le peuple de Dalanar et de Jerika ? Elle avait souvent
eu ce genre d’interrogations au sujet de son fils.
— Bokovan est un enfant très
particulier, Joplaya, dit-elle à sa mère. Lorsqu’il sera un peu plus grand,
j’aimerais bien que tu acceptes de me l’envoyer à la Neuvième Caverne afin que
je le garde quelque temps.
— Pourquoi ? s’étonna
Joplaya.
— En partie parce qu’il se
pourrait qu’il ait des qualités particulières susceptibles de le faire entrer
dans la Zelandonia, et qu’il faudrait en ce cas que tu en sois informée, mais
avant tout parce que je souhaiterais le connaître mieux, expliqua Ayla.
Joplaya sourit puis, après un
silence :
— Et toi, Ayla,
accepterais-tu d’envoyer Jonayla chez les Lanzadonii pour rester un certain
temps avec moi ?
— Je n’y ai jamais songé,
avoua Ayla, mais ça me paraît une bonne idée… d’ici à quelques années… si elle
est d’accord. Mais pourquoi voudrais-tu d’elle ?
— Je n’aurai jamais de
fille. Je n’aurai jamais d’autre enfant. J’ai trop souffert en donnant
naissance à Bokovan.
Ayla se rappela les difficultés
de son accouchement lorsqu’elle avait eu son fils Durc, celui qui était né au
sein du Clan, et elle avait entendu parler des problèmes de Joplaya.
— Tu en es sûre,
Joplaya ? Ce n’est pas parce que tu as eu un accouchement délicat que tous
le seront nécessairement.
— Notre doniate m’a dit qu’à
son avis je ne devrais pas réessayer. Selon elle, je risquerais d’en mourir. Je
suis passée tout près avec Bokovan. Je prends le remède que tu as donné à la
Zelandoni, et ma mère veille à ce que je ne l’oublie pas. Je le prends pour lui
faire plaisir, mais si je ne le prenais pas, je pense que cela ne ferait aucune
différence. Je ne crois pas pouvoir tomber de nouveau enceinte. Malgré ma mère,
j’ai cessé de prendre le remède pendant un temps : je désirais un autre
enfant, mais Doni a choisi de ne pas m’en gratifier, expliqua Joplaya.
Ayla n’avait aucune envie de se
mêler de ce qui ne la regardait pas mais, en tant que Zelandoni, elle avait le
sentiment qu’elle devait poser la question qui lui brûlait les lèvres,
singulièrement maintenant.
— Honores-tu la Mère
fréquemment ? Si tu veux qu’Elle t’accorde ce que tu souhaites, il est
important que tu L’honores comme il convient.
Joplaya sourit.
— Echozar est un homme
gentil et prévenant. Ce n’est peut-être pas celui que je voulais, Ayla…
Elle s’arrêta et, l’espace d’un
instant, un air de désolation assombrit son expression. Ayla se rembrunit elle
aussi, pour une raison diamétralement différente.
— … mais j’avais raison
de dire que personne ne pourrait m’aimer plus qu’Echozar, et j’ai vraiment appris
à l’apprécier comme il le mérite. Au début, il avait du mal à ne serait-ce que
me toucher, de peur de me heurter, de me faire du mal, et parce que je crois
qu’en fait il avait peine à croire que c’était son droit. Mais nous avons
maintenant dépassé ce stade, même s’il se montre envers moi d’une telle
reconnaissance que je suis obligée de me moquer un peu de lui pour lui faire
comprendre que je suis sa compagne. Il a même appris à rire de lui-même. Non,
je pense que nous honorons Doni comme il se doit.
Ayla réfléchit un moment. Il se
pouvait que le problème vînt d’Echozar, et non de Joplaya. Il était à moitié
issu du Clan, et il y avait peut-être une raison pour qu’un homme du Clan, en
tout ou partie, connaisse des problèmes pour avoir un enfant avec une femme
issue des Autres. Il se pouvait que la conception d’un enfant dans ces
conditions fût un coup de chance, même si certains l’auraient qualifiée non de
chance mais d’abomination. Ayla n’avait aucune certitude quant à la fréquence
des accouplements de membres du Clan avec des représentants des Autres, ou
concernant le nombre de leurs rejetons ayant survécu.
Tout le monde était au courant de
l’existence de ces « esprits mêlés », mais Ayla n’en avait pas
rencontré
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