Le pays des grottes sacrées
pourquoi
n’as-tu rien dit jusqu’à aujourd’hui ?
— Certains d’entre nous
souhaitaient te laisser toutes tes chances. D’autres pensaient, ou espéraient,
que ça n’était pas intentionnel de ta part. Ils voulaient avoir la certitude
que tu ne t’étais pas abusé toi-même dans ton désir si vif de devenir l’un de
Ses serviteurs… jusqu’à ce qu’Ayla nous apporte ce sac. Tu n’aurais pas pu
devenir Zelandoni, en aucun cas, mais tu aurais pu demeurer acolyte, Madroman.
Dorénavant, ça n’est plus possible. La Grande Terre Mère ne veut pas être
servie par un menteur, par un tricheur, proféra la Première sur un ton qui ne
laissait planer aucun doute sur ce qu’elle ressentait. Kemordan, Homme Qui
Commande la Cinquième Caverne des Zelandonii, poursuivit-elle, toi et les
membres de ta Caverne, êtes-vous prêts à témoigner ?
— Nous le sommes, répondit
le chef.
— Nous le sommes, reprirent
à l’unisson les membres de la Caverne.
— Madroman, de la Cinquième
Caverne des Zelandonii, précédemment acolyte, psalmodia la Première, plus
jamais tu ne pourras prétendre appartenir à la Zelandonia, ni au titre de
membre à part entière ni à celui d’acolyte ou en quelque autre manière. Plus
jamais tu ne pourras tenter de soigner les maux de quiconque, ni donner des
conseils concernant les enseignements de la Mère, ni assumer les droits et
devoirs de la Zelandonia.
— Mais qu’est-ce que je vais
bien pouvoir faire, désormais ? gémit Madroman. Je n’ai rien appris
d’autre. Je ne peux pas être autre chose qu’acolyte.
— Si tu restitues tout ce
que tu as reçu de la Zelandonia, tu pourras retourner dans ta Caverne pour y
réfléchir à l’apprentissage d’autre chose, Madroman. Et estime-toi heureux que
je ne t’aie pas infligé une punition que j’aurais pu annoncer à tous les
participants de la Réunion d’Été.
— Ils seront au courant, de
toute façon, grommela Madroman, qui haussa alors la voix : Jamais tu ne
m’aurais laissé devenir un Zelandoni, dit-il. Vous m’avez toujours détesté,
toi, Jondalar et ta petite favorite, Ayla, l’amoureuse des Têtes Plates. Dès le
début tu n’as jamais pu me souffrir… Zolena.
Un murmure horrifié monta des
rangs des membres de la Cinquième Caverne. Aucun n’aurait osé se montrer
irrespectueux envers Celle Qui Était la Première au point de l’appeler par le
nom qui avait été jadis le sien. L’immense majorité aurait eu trop peur des
conséquences. Même Madroman s’arrêta dans son réquisitoire en voyant
l’expression qu’avait prise le visage de la Première. Qui était, après tout,
une femme aux pouvoirs formidables.
Il se dépêcha de tourner les
talons et s’éloigna à grands pas rageurs, se demandant ce qu’il allait bien
pouvoir faire tout en se dirigeant vers la lointaine qu’il partageait à
l’occasion avec Laramar, Brukeval et leurs semblables.
Il y arriva pour trouver
l’endroit désert. La plupart des campements étaient en train de servir des
repas après la longue réunion qui venait de s’achever, et presque tout le monde
était occupé à se sustenter. Il lui vint soudain à l’esprit que ni Laramar ni
Brukeval ne reviendraient de sitôt. Laramar mettrait à coup sûr longtemps à se
rétablir, quant à Brukeval, qui sait ce qu’il allait faire ? Madroman
pénétra dans le local et alla prendre dans le sac de voyage de Laramar une
petite outre remplie de barma. Il alla ensuite s’asseoir sur une natte et vida
son contenu en quelques gorgées, avant d’aller en chercher une autre.
Laramar ne le saura jamais, se
disait-il.
Tout ça, c’est la faute de cette
grosse brute qui m’a cassé les dents, se dit-il en touchant de sa langue le
trou qui s’ouvrait sur le devant de sa bouche.
Il avait appris à compenser
l’absence de ses incisives et ne songeait plus guère à ses dents manquantes,
même s’il en avait souffert lorsqu’il était plus jeune et que les femmes
l’ignoraient, pour cette raison pensait-il. Il avait découvert depuis lors que
certaines s’intéressaient à lui lorsqu’elles apprenaient qu’il était membre de
la Zelandonia, même s’il n’était qu’un acolyte en période d’apprentissage. Plus
aucune de ces femmes ne voudrait de lui, désormais. Le visage rouge de honte,
il ouvrit la seconde outre à barma.
Mais pourquoi donc Jondalar
est-il revenu ? se disait-il. S’il n’était pas rentré de son fameux Voyage
et
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