Le pays des grottes sacrées
de
regret : si elle n’avait pas été si prise avec la Zelandonia, elle aurait
apprécié de participer à la préparation du festin. Travailler en commun était
en effet une excellente façon de nouer des liens avec les autres, de les
connaître un peu mieux. Ressasser ses propres problèmes, comme cela avait été
son cas, n’y aidait pas, se dit-elle en prenant une des tasses en surplus
disponibles pour ceux ou celles qui avaient oublié la leur, et en la
remplissant de camomille contenue dans un gros récipient à cuire, en bois
rainuré. On préparait de l’infusion avant toute chose, le matin.
— L’aurochs est
particulièrement bon et juteux, Ayla. Ils commencent à faire leur graisse
d’hiver, et Proleva vient juste de le réchauffer. Tu devrais y goûter, l’incita
Marthona, remarquant qu’elle ne se servait pas. Les plats à nourriture sont là,
poursuivit-elle en montrant du doigt une pile d’ustensiles en bois, en os ou en
ivoire, de tailles diverses, qui faisaient office d’assiettes.
Les arbres abattus et fendus pour
obtenir du bois de chauffe laissaient parfois de gros éclats que l’on pouvait
très vite tailler et aplanir ; de la même façon, et aux mêmes fins, les os
du pelvis ou les omoplates des cerfs, bisons et autres aurochs pouvaient être
rognés à une taille raisonnable. Les plus gros éclats qui sautaient lorsqu’on
taillait les défenses de mammouth, un peu comme du silex, pouvaient eux aussi
servir d’assiettes. Les tailleurs d’ivoire de mammouth commençaient par creuser
au burin une entaille circulaire. Ils y glissaient ensuite, en la disposant à
un angle adéquat, la pointe d’un solide morceau de corne ou de bois de cerf,
après quoi, avec de la pratique et un peu de chance, ils étaient en mesure d’en
détacher un éclat d’un bon coup de marteau en pierre. Il s’agissait toutefois
d’un travail délicat, que l’on ne pratiquait que pour obtenir des objets
destinés à être offerts en cadeau ou à d’autres fins très spéciales. De tels
éclats d’ivoire, à la surface extérieure légèrement arrondie et aplanie,
servaient à d’autres usages que celui d’assiettes pour les repas. On pouvait
graver dessus des images décoratives.
— Je te remercie, Marthona,
mais je dois prendre un certain nombre de choses et aller retrouver Zelandoni,
s’excusa Ayla.
Elle s’arrêta toutefois dans son
élan pour aller s’accroupir devant la vieille femme, assise sur un petit
tabouret fait de tiges et de feuilles de roseaux tressées.
— Je veux vraiment te
remercier de t’être montrée si gentille avec moi depuis le premier jour de mon
arrivée, dit-elle. Je ne me rappelle pas ma propre mère, je ne me souviens que
d’Iza, la femme du Clan qui m’a élevée, mais je me plais à penser que ma vraie
mère devait te ressembler.
— Je te considère comme ma
fille, Ayla, répliqua Marthona, plus émue qu’elle ne l’aurait pensé. Mon fils a
eu bien de la chance de te trouver. Je souhaiterais parfois qu’il te ressemble
plus, ajouta-t-elle avec un hochement de tête.
Ayla la serra dans ses bras, puis
se tourna vers Proleva.
— Merci aussi à toi,
Proleva, dit-elle. Tu t’es montrée une amie très sûre et j’apprécie plus que je
ne saurais dire la façon dont tu as veillé sur Jonayla quand j’ai été obligée
de rester à la Neuvième Caverne et que j’ai été si occupée ici.
Elle alla enlacer à son tour la
jeune femme.
— J’aurais bien aimé que
Folara soit là, mais je sais qu’elle est prise par la préparation de sa
cérémonie Matrimoniale. Je suis ravie pour elle, Aldanor est l’homme qu’il lui
faut. Maintenant, je dois vous quitter, lança-t-elle soudain avant de serrer
une fois de plus sa fille contre elle puis de partir à grandes enjambées vers
le local de la Zelandonia, retenant à grand-peine les larmes qui lui venaient
aux yeux.
— J’ai du mal à comprendre,
dit Proleva.
— Si je m’écoutais, je
penserais presque qu’elle nous disait au revoir, lâcha Marthona, pensive.
— Mère va quelque part,
Thona ? demanda Jonayla.
— Je ne crois pas. En tout
cas, personne ne m’a rien dit.
Ayla resta un bon moment dans le
local pour y faire ses préparatifs. Elle découpa tout d’abord un cercle
grossier dans la peau de cerf qu’elle avait apportée avec elle à la Réunion
d’Été. La veille, elle avait retrouvé, pliée sur sa natte de nuit, la pièce
taillée dans le cuir tendre du
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