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Le petit homme de l'Opéra

Le petit homme de l'Opéra

Titel: Le petit homme de l'Opéra Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Claude Izner
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j'en ai. Pensez, j'me démène du matin au soir. Justement, ça m'est revenu quand j'étais en cuisine, votre Lambert Pagès, c'est un monsieur qu'on voit qu'il est affligé d'une indisposition tellement qu'il est maigre, c'est pour ça qu'il boit que de la flotte, pareil que vous. Vous avez un problème de santé ?
    Elle manifestait une sollicitude non feinte, et Joseph en éprouva une satisfaction qui l'emplit d'une vague culpabilité. Charmante, cette petiote.
    — Moi ? Je me porte comme le Pont-Neuf, c'est que je ne tiens pas l'alcool. Mais Lambert, ça m'ennuie qu'il soit patraque. C'est grave ?
    — Rolande, y a une daube qui pleure après toi et une tablée entière qui rouspète ! meugla le patron.
    Ce ne fut que quand elle desservit que la serveuse répondit, essoufflée :
    — Ben, à dire le vrai, y m'a pas expliqué clairement, seulement y va régulièrement goûter les eaux, et selon le cuistot les ceux qui font ça, on les appelle des curistes, ça doit être parce qu'ils imitent les curés qui fulminent contre le pinard, sauf quand ils récitent la messe.
    — Lambert est parti en cure ?
    — Y boit d'l'eau spéciale qui contient du fer, il a les os en capilotade, m'est avis. Vous voulez un café ? C'est la maison qui l'offre, chuchota-t-elle.
    Il acquiesça, devinant que la maison, c'était elle. Quand elle lui apporta sa tasse, elle lui adressa un clin d’œil.
    — Vous êtes libre ? Je termine à trois heures.
    — Hélas, je dois aller rue des Saints-Pères.
    — Oh ! Vous fréquentez les curés, vous aussi ?
    — Euh... Oui, je mène une vie monacale. Et Lambert ? Il ne se montre donc plus ?
    — On l'a pas eu aujourd'hui, hier non plus, pourvu qu'il n'se soit pas noyé dans ses eaux.
    — Par hasard, vous ne sauriez pas dans quelle station thermale il se rend ?
    — Thermale ? C'est-y qu'il a pas payé son terme ? Moi, la cloche de bois, ça me connaît.
    — Pas exactement. L'addition, s'il vous plaît.
    — Mais vous reviendrez, hein ?
    — Je vous en fais le serment.
     
    — Nous voilà bien avancés ! constata Victor, enfin affranchi d'un amoureux de Saint-Simon en quête de l'édition définitive des Mémoires en vingt volumes, publiée en 1872 par Chéruel et Adolphe Régnier chez Hachette.
    — Une ville d'eaux, tout un programme ! Laquelle ? Enghien-les-Bains ? Sermaize ? Plombières ? Vichy La Bourboule ?
    — Holà ! Je vous préviens qu'il est hors de question que je cavale aux quatre coins de l'Hexagone pour dépister ce pékin ! s'écria Joseph. Déjà que maman me persécute, selon elle je sors trop souvent... On va avoir des gosses, tous les deux, nom d'un Glockenspiel fêlé !
    — Me prendriez-vous pour un père dénaturé ? Moi, un futur pélican ? Mais là, tout de suite, je file chez Chaudrey, vous êtes d'accord ?
    — Ouais, caltez ! Un pélican peut-être, un courant d'air sûrement !
     
    Victor fut soulagé que la pharmacie soit vide.
    — Monsieur Chaudrey ! clama-t-il.
    L'apothicaire surgit, échevelé, drapé d'une blouse crasseuse, serrant d'une de ses mains gantées un morceau du cochon en pain d'épice, de l'autre une éprouvette.
    — Alors ? Quel poison ?
    — Franchement, monsieur Legris, vous me désappointez. Que vous soyez assez roué pour monter un tel canular à mes dépens dépasse mon entendement. M. Pignot aura de mes nouvelles !
    — Mais enfin...
    — À moins que le miel, la farine, le sucre, la levure, les œufs et le lait ne soient des produits réputés toxiques, il est inconcevable que quelqu'un risque de frôler la mort en ingérant cette pâtisserie. Mais sans doute allez-vous répliquer que l'assassin imaginé par M. Pignot a pour victime un diabétique ou une personne allergique au pain rassis, parce que ce pain d'épice est dur comme du granit. Je plains ceux qui essaieraient de en repaître, ils suffoqueraient illico.
    — Pas de substance nocive ? marmonna Victor, très déçu.
    Vous m'avez fait gaspiller des heures précieuses, ce qui m'a valu d'être houspillé par mon épouse et de subir les reproches de ma clientèle. Cette plaisanterie m'étonne de vous, monsieur Legris, débarrassez-moi de votre attrape-nigaud.
    — Je suis innocent, je vous assure.
    — On dit ça !
    Victor sortit, envahi d'un bien-être qui l'apaisait sans toutefois le libérer d'une lancinante oppression. Il savait à présent que ni Tasha ni le bébé n'avaient été menacés d'un réel péril. À quoi rimait cette mise en scène ? Qui lui avait donc expédié

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