Le Peuple et le Roi
réconciliation entre Girondins et Montagnards.
« Il ne peut exister de factions dans une République, dit-il.
La fraternité seule peut donner à la Convention cette marche sublime qui
marquera sa carrière. »
Mais il devient aussitôt suspect aux yeux de Robespierre, de
Saint-Just, de « la crête de la Montagne », qui domine aux Jacobins.
Robespierre obtient qu’on exclue Brissot du club, et les
Girondins derrière Brissot quittent les Jacobins.
Ces luttes épuisent.
Danton, élu président des Jacobins, n’est guère présent aux
séances. On le voit, entouré de jeunes femmes vénales, fréquenter les
restaurants à la mode.
Puis il disparaît, durant plusieurs semaines.
On le dit malade, abattu, atteint de cette dépression qui affecte
par périodes tous ceux qui sont plongés dans ce tourbillon révolutionnaire, dont
ils sentent bien qu’ils ne peuvent le maîtriser, et qu’à tout moment ils
peuvent en être submergés.
Et cette « fatigue », cette angoisse, touche la
majorité de la population parisienne, qui est à l’écart des assemblées
électorales, des sections. Ceux qui participent, qui votent, ne représentent qu’un
citoyen sur vingt !
Pétion est réélu maire de Paris, par une minorité de
quelques milliers de voix, sur les six cent mille habitants de la capitale !
Mais Pétion prétend représenter le peuple, alors que pour la
majorité qui ne participe pas aux assemblées électorales, il n’est qu’un « magistrat
populacier » et pour d’autres un « trembleur ».
On murmure : « Les enragés sont les maîtres
aujourd’hui dans Paris et ne respirent que vengeance. » La ville a changé
d’aspect. Les étrangers sont partis. Les riches se terrent ou ont gagné la
province. Plus de carrosses, de livrées, de belles toilettes dans les rues.
« Vous trouverez aussi du changement dans les mœurs et
les vêtements des Parisiens, écrit le libraire Ruault. Le bonnet rouge a repris
vigueur. Tous les Jacobins le portent, excepté Robespierre, cette coiffure
dérangerait trop des cadenettes bien frisées et bien poudrées. Je fais comme
Robespierre quoique je n’aie point de cadenettes sur les oreilles. Je crois que
le bonnet rouge ou blanc ou gris, ne va qu’aux manœuvres des maçons de la
Révolution. »
On se soucie à nouveau, alors que les pluies et les froids
de novembre commencent à sévir, de subsistance. Le prix du pain augmente. Mais
on se contente de grommeler.
On sait que Paris est mené par une minorité d’autant plus
violente qu’elle a conscience que la majorité de la population est réservée, voire
hostile, et déjà si lasse de la hargne révolutionnaire qu’elle n’intervient
plus, laisse faire dans les sections et les assemblées la poignée de citoyens
qui s’entre-déchirent, Girondins, Montagnards, et quelques maratistes.
À la Convention, les députés de la Plaine se taisent, observent,
de plus en plus mal à l’aise devant les manifestations de la haine que se
portent Girondins, Montagnards, maratistes.
Et, premier d’une longue suite, le député Polycarpe
Pottofeux démissionne début novembre, lassé de ces affrontements.
Il ne veut pas prendre parti, risquer sa tête pour dix-huit
francs par jour, l’indemnité que la nation lui verse.
Les Girondins se sentent eux aussi menacés par cette
minorité parisienne « enragée ».
C’est elle que vise Brissot quand il écrit à la fin du mois
d’octobre 1792, dans un pamphlet adressé À tous les républicains de France :
« Le peuple est fait pour servir la révolution, mais, quand elle est faite,
il doit rentrer chez lui et laisser à ceux qui ont plus d’esprit que lui le
soin de le diriger. »
Mais, pour s’emparer puis garder les rênes du pouvoir devant
un peuple devenu spectateur, épuisé par ce qu’il a vécu depuis plus de trois
années de bouleversements, d’émotions, de grandes peurs, c’est une lutte dont
on devine déjà en cet automne 1792 qu’elle est « à mort ».
C’est Louvet, un écrivain devenu député du Loiret, qui, Girondin,
attaque Robespierre.
« Qui, Robespierre c’est moi qui t’accuse de t’être
continuellement produit comme objet d’idolâtrie. Je t’accuse d’avoir évidemment
marché au suprême pouvoir. »
La majorité de la Convention décide de faire diffuser ce
discours à quinze mille exemplaires. Et Brissot dans Le Patriote français poursuit l’attaque :
« On se demande
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