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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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état, quand il est unanime, quand il
est conforme aux principes d’équité, s’appellera toujours le vœu national. Le
temps le consacrera, le jugement de l’Europe l’encouragera et le souverain ne
peut que régler dans sa justice ou devancer dans sa sagesse, ce que les
circonstances et les opinions doivent amener d’elles-mêmes. »
    C’était accorder au tiers état un rôle éminent, exprimant « le
vœu national », et donc, réduire en fait la place des ordres privilégiés !
    Cela a pu apparaître comme une manœuvre habile destinée à
affaiblir les aristocrates et le haut clergé hostile aux réformes.
    Mais à la lueur de l’incendie allumé par les révoltes, Louis
a la gorge serrée par l’angoisse, la crainte de s’être laissé entraîner trop
loin.
     
    Il lit l’article écrit dès janvier 1789 par le publiciste
protestant Mallet du Pan, qui s’est réfugié en France après la révolution
genevoise de 1782.
    « Le débat public, écrit Mallet du Pan, a changé de
face. Il ne s’agit plus que très secondairement du roi, du despotisme et de la
Constitution, c’est une guerre entre le tiers état et les deux autres ordres, contre
lesquels la Cour a soulevé les villes. »
    Mais si le tiers état l’emporte, Louis a la conviction que
son pouvoir sera réduit, peut-être même annihilé.
    Et Louis s’affole quand il lit encore – et son entourage lui
rapporte des informations convergentes – dans les dépêches des intendants « qu’ici
c’est une espèce de guerre déclarée aux propriétaires et à la propriété ».
« Dans les villes comme dans les campagnes, le peuple continue de déclarer
qu’il ne veut rien payer, ni impôts, ni droits, ni dettes. »
    L’analyse des événements faite par un commandant des troupes
est encore plus inquiétante et accroît le désarroi de Louis.
    « Ce n’est pas une émeute isolée comme d’ordinaire, écrit
l’officier. Les mêmes erreurs sont répandues dans tous les esprits… Les
principes donnés au peuple sont que le roi veut que tout soit égal, qu’il ne
veut plus de seigneurs et d’évêques, plus de rang, point de dîmes et de droits
seigneuriaux. Ainsi ces gens égarés croient user de leur droit et suivre la
volonté du roi. »
     
    Louis a le sentiment qu’on l’a utilisé, trompé, et qu’on a
déformé sa pensée.
    Comment, à quel moment, à quelle occasion, faire entendre ce
qu’il souhaite vraiment, même s’il est écartelé entre des orientations
nombreuses ?
    Il veut bien que ses sujets espèrent que les États généraux
vont opérer « la régénération du royaume ».
    Mais il récuse l’idée selon laquelle « l’époque de la
convocation des États généraux doit être celle d’un changement entier et absolu
dans les conditions et dans les fortunes ».
    Et comment ne serait-il pas effrayé, bouleversé, par les
conséquences de ce mensonge, de cette illusion, qui est « une insurrection
aussi vive que générale contre la noblesse et le clergé » ?
    Louis et les aristocrates mettent en cause ces membres des
clubs, des loges maçonniques, des sociétés de pensée, qui publient des centaines
de pamphlets, s’agglutinent dans les cafés, les librairies.
    « Chaque heure produit sa brochure, constate l’Anglais
Arthur Young qui parcourt la France dans cette année 1789. Il en a paru treize
aujourd’hui, seize hier et quatre-vingt-douze la semaine dernière. Dix-neuf sur
vingt sont en faveur de la liberté. » « La fermentation passe toute
conception », ajoute Young.
    À Mirabeau, Volney, Brissot, Camille Desmoulins, s’ajoutent
de nouveaux publicistes, tel Marat.
    Les candidats aux États généraux s’adressent à leurs
électeurs. Mirabeau lance un Appel à la Nation provençale, et
Robespierre s’adresse à la Nation artésienne.
    Et dans ou devant les cafés, les orateurs interpellent la
foule qui se presse, ainsi sous les arcades du Palais-Royal :
    « Puisque la bête est dans le piège, s’écrie Camille
Desmoulins, qu’on l’assomme… Jamais plus riche proie n’aura été offerte aux
vainqueurs. Quarante mille palais, hôtels, châteaux, les deux cinquièmes des
biens de la France seront le prix de la valeur. Ceux qui se prétendent
conquérants seront conquis à leur tour. La nation sera purgée. »
     
    Cette violence, les cahiers de doléances ne l’expriment
pas.
    On veut la « régénération du royaume ».
    On veut la justice, l’égalité, la

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