Le Peuple et le Roi
les
gardes françaises présents dans les cortèges les attaquent, les tuent.
À Versailles aussi le peuple est dans la rue, et les députés
protestent contre le renvoi de Necker.
Il « fallait en châtier les auteurs », « de
quelque état qu’ils puissent être », dit l’abbé Grégoire, et l’archevêque
de Vienne lui-même, au nom de l’Assemblée, déclare au roi « que l’Assemblée
ne cesserait de regretter l’ancien ministre et qu’elle n’aurait jamais
confiance dans les nouveaux ».
Louis répond avec une fermeté qui surprend le prélat.
« C’est à moi seul, dit-il, à juger de la nécessité des
mesures à prendre. Et je ne puis à cet égard apporter aucun changement. »
Quant à la présence de troupes dans Paris, il ajoute :
« L’étendue de la capitale ne permet pas qu’elle se
garde elle-même. »
Louis a appris que, commandés par le baron de Besenval, les
régiments suisses ont quitté le Champ-de-Mars, et, après un long détour par le
pont de Sèvres, atteint les Champs-Elysées. Ils n’ont pas rencontré de
manifestants et ont regagné leurs campements.
Louis peut s’abandonner à ce sommeil qui l’envahit.
Mais Paris ne dort pas.
« Toutes les barrières depuis le faubourg Saint-Antoine
jusqu’au faubourg Saint-Honoré, outre celles des faubourgs Saint-Marcel et
Saint-Jacques, sont forcées et incendiées » dans la nuit du 12 au 13
juillet. Les émeutiers espèrent que la destruction des octrois fera baisser le
prix du grain et du pain, qui est à son niveau le plus élevé du siècle.
La ville est ainsi « ouverte », et « la
multitude y entre » dès le début de la matinée du lundi 13 juillet.
Les hommes (des « brigands », disent les bourgeois
qui se sont calfeutrés chez eux) armés de piques et de bâtons pillent les
maisons, crient qu’ils veulent « des armes et du pain ».
Ils dévalisent les boulangeries, les marchands de vin, dévastent
le couvent de Saint-Lazare, brisent la bibliothèque, les armoires, les tableaux,
le cabinet de physique et dans les caves défoncent les tonneaux, trouvent du
grain dans les réserves. Ils obligent les passants à boire.
On découvrira dans les caves du couvent une trentaine de
pillards, noyés dans le vin.
Les « bourgeois » – qui furent les électeurs aux
États généraux – veulent faire cesser ce pillage, craignent le désordre, la
destruction de tous les biens.
Ils se réunissent, décident de créer une garde nationale, milice
bourgeoise de 48 000 hommes qui défendra Paris contre les pillards, les
brigands et les régiments étrangers.
Le prévôt des marchands Flesselles est désigné pour présider
une Assemblée générale de la Commune.
Il faut des armes pour la milice. « Paris, dit Bailly
qui sera maire de la ville, court le risque d’être pillé. » « En
pleine rue, des créatures arrachaient aux femmes leurs boucles d’oreilles et de
souliers. »
La milice s’organise, se donne une cocarde aux couleurs de
Paris, rouge et bleu.
On achète aux « vagabonds les armes dont ils se sont emparés ».
On arrête et même on pend quelques brigands. Mais au même moment, la foule
brise les portes des prisons, libère ceux qui sont détenus pour « dettes, querelles,
faits de police… elle y laisse les prévenus de vol, de meurtres et autres
crimes ».
Et des gardes françaises livrent leurs armes au peuple, puis
défilent, boivent avec lui « le vin qu’on leur verse aux portes des
cabarets ».
Un témoin, le libraire Ruault, note :
« Aucun chef ne se montre dans ce mouvement tumultueux.
Ce peuple paraît marcher de lui-même. Il est gai, il rit aux éclats, il chante,
il crie “Vive la : nation !”. Et il engage nombre de spectateurs à
devenir acteurs avec lui dans le reste de la scène. »
Mais la crainte des pillages, des brigands, de l’attaque des
régiments étrangers est de plus en plus forte.
Les représentants des « électeurs parisiens », en
cette fin de journée du lundi 13 juillet, s’en vont aux Invalides demander au
gouverneur qu’il leur livre les armes de guerre, plusieurs dizaines de milliers
de fusils, conservées dans le bâtiment. Il refuse.
Mais le peuple a déjà acquis l’habitude de prendre ce qu’on
ne lui donne pas.
16
Nous voulons !
C’est le cri qui a traversé la nuit brûlante du 13 au
14 juillet 1789.
Et dans l’aube déjà étouffante, des bandes parcourent les
rues. Les hommes
Weitere Kostenlose Bücher