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Le Peuple et le Roi

Le Peuple et le Roi

Titel: Le Peuple et le Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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1790

20
    Louis, en ces dernières semaines du mois d’octobre 1789, parcourt
le palais des Tuileries où il doit vivre désormais. Il sort, fait quelques pas
sur les terrasses qui surplombent les jardins.
    Marie-Antoinette et le dauphin s’y trouvent déjà. Les femmes,
des gardes nationaux, des artisans, tout peuple avide et curieux, les ont
réclamés. Il s’exclame et gronde, injurie, puis les femmes demandent à la reine
qu’elle leur donne les rubans et les fleurs de son chapeau. La reine s’exécute.
     
    Il en est chaque jour ainsi.
    Le peuple ne se lasse pas. Il veut voir, surveiller, interpeller,
menacer, acclamer aussi. Et Louis a le sentiment que ce palais est comme un
navire échoué, une épave autour de laquelle viennent rôder les naufrageurs.
    Les gardes du corps ont été remplacés par des gardes
nationaux. Louis ne craint pas pour sa personne, mais pour la reine et le
dauphin.
    Il a vu l’enfant se cacher dans les bras de sa mère. Il
entendu dire : « C’est bien vilain ici, maman. » Et
    Marie-Antoinette a répondu : « Louis XIV y vivait
bien. » Mais le Grand Roi avait voulu échapper au Paris de la Fronde, s’éloigner
de la multitude, il avait construit Versailles.
     
    Et Marat, dans L’Ami du peuple , a bien mesuré
la révolution dans la Révolution que représentent le retour du roi à Paris et l’installation
de l’Assemblée nationale dans cette salle du Manège du palais. Il a écrit :
« C’est une fête pour les Parisiens de posséder enfin leur roi. »
     
    « Posséder », ce mot comme un carcan, un joug :
le roi est devenu le sujet de ses sujets, qui ont refusé de le rester.
     
    Ils sont là, autour du palais, prêts à piller l’épave.
    Ils remplissent les tribunes de la salle des séances de l’Assemblée.
Ils interviennent dans les discussions. On dit même que des « bandes
soudoyées » sont payées, endoctrinées dans les cafés du Palais-Royal, pour
empêcher le vote de telle ou telle motion, applaudir tel orateur.
    Ces quelques centaines d’hommes et de femmes imposent ainsi
leur loi aux députés réunis dans cette salle du Manège.
    « Les députés sont au Manège, plaisante-t-on, mais les
écuyers sont au Palais-Royal. »
     
    Et dans les tribunes on se dresse, on proteste, dès que l’Assemblée
veut condamner des actes de violence.
    Or des voitures de grains sont encore pillées, le 20 octobre,
faubourg Saint-Antoine, et une émeute éclate à Senlis, faisant vingt-quatre
morts.
    Brissot rapporte dans Le Patriote français  : « On
a encore l’affligeant spectacle de boulangers assiégés par une foule
considérable de peuple. »
    Le 21 octobre, un boulanger du quartier de Notre-Dame, François,
qui chaque jour fait plus de six fournées, est accusé de cacher du pain, de
préparer des petits pains frais pour les députés. La foule l’arrache aux gardes
nationaux, qui tentent de le protéger.
    Une femme crie au procureur de l’Hôtel de Ville : « Vous
faites toujours esquiver nos ennemis mais votre tête répond de la sienne. »
    On entraîne François. On le pend, à la lanterne, place de
Grève, et sa tête est tranchée, et promenée par les rues au bout d’une pique.
     
    Bailly, au nom de la Commune de Paris, obtient de l’Assemblée
qu’elle vote une loi martiale permettant de disperser les attroupements.
    Des drapeaux rouges seront portés dans toutes les rues, et
aux carrefours. L’un d’eux sera suspendu à la principale fenêtre de l’Hôtel de
Ville.
    « À ce signal tous les attroupements, avec ou sans
armes, deviendront criminels et devront être dispersés par la force. »
    Robespierre est intervenu pour s’opposer à cette loi. « Quand
le peuple meurt de faim, il s’attroupe, dit-il. Il faut donc remonter à la
cause des émeutes pour les apaiser. »
    Il parle d’un complot pour affamer Paris. Il condamne la loi
martiale qui risque d’étouffer la liberté.
    Marat s’indigne :
    « Insensés, s’écrie-t-il, croyez-vous que c’est un bout
de toile rouge qui vous mettra à couvert des effets de l’indignation publique ? »
    Dans ce numéro des 10 et 11 novembre 1789 de L’Ami du
peuple, Marat justifie l’émeute, la violence, les morts qu’elles provoquent.
    « Est-il quelque comparaison à faire entre un petit
nombre de victimes que le peuple immole à la justice dans une insurrection et
la foule innombrable de sujets qu’un despote réduit à la misère ou qu’il
sacrifie à sa

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