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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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une foule de questions à poser à Campioni. Il voulut insister, mais le sénateur leva la main.
    — Non, c’est assez! Je risque ici deux vies, la mienne et la vôtre. Laissez-moi en paix, je vous en prie. Il me faut maintenant réfléchir à la façon dont nous défendre, moi et les miens. Si d’aventure je recevais des renseignements utiles à votre enquête, je m’arrangerais pour vous les transmettre. Où demeurez-vous ?
    — Dans les appartements de la casa Contarini.
    — Bien... Mais quelles que soient les informations que je pourrais vous communiquer, vous devez me promettre de n’en parler à personne, en dehors du Doge lui-même. Est-ce compris ? Personne, pas même les membres du Minor Consiglio ou du Conseil des Dix !
    — Je vous le promets.
    Campioni s’éloigna, le visage sinistre, battant l’air d’une main comme pour chasser Pietro.
    Celui-ci resta là, seul au milieu du Broglio .
    Une dictature à Venise. Un complot de lucifériens !

    L'Orchidée Noire laissait courir ses doigts sur les fesses rebondies d’Ancilla Adeodat. Celle-ci, allongée, lisait en riant le livret d’une pièce de théâtre, contrefaisant tour à tour les voix des différents personnages. Elle ne manquait d’ailleurs pas de talent dans cet exercice et se retournait de temps à autre vers Viravolta, qui lui envoyait un sourire; mais ses pensées étaient ailleurs. Il caressait les cheveux bouclés de la jeune femme, qu’il avait une fois de plus soustraite à son époux, ce cher capitaine de l’Arsenal, encore parti quelque part dans les mers du golfe. La belle Ancilla ne manquait pas de poésie. Elle avait gardé de sa Chypre natale le souvenir de jardins en fleurs et de mers d’huile, de poussière ocre, de parfums et d’épices orientales; sa mère était originaire de Nubie, elle avait été vendue comme esclave à son père italien, habitant de Vérone. Prêtée et vendue toute sa vie, Ancilla n’avait dû son salut qu’à l’amour inconditionnel de son joli capitaine, qui tolérait pourtant ses écarts de conduite; lui-même était toujours parti par monts et par vaux, et il considérait que tout ce qui pouvait contribuer au bonheur de la jeune femme ferait également le sien, du moment qu’elle lui revenait à chacune de ses escales vénitiennes. Pietro ne pouvait que saluer l’abnégation courtoise de ce vénérable officier.
    La voix rieuse d’Ancilla résonnait dans la chambre.
    — FULGENCE : Ecoutez-moi donc, je vous en prie, et répondez-moi comme il faut. Monsieur Léonard est dans le cas de faire un mariage très avantageux. BERNARDIN : Tant mieux, j’en suis ravi. FULGENCE : Mais s’il n’a pas le moyen de payer ses dettes, il court grand risque de manquer cette bonne affaire. BERNARDIN : Comment ? Un homme comme lui n’a qu’à frapper du pied contre terre, il fait sortir de l’argent de tous les côtés...
    Ancilla se tourna vers Pietro. Elle poursuivit :
    — PIETRO : Je ne t’écoute point, douce lumière de ma vie. ANCILLA : Pourquoi donc ce front soucieux, Pietro ? Ohé ! Pietro !
    Arraché à ses méditations, Pietro sourit encore et s’excusa.
    — Pardonne-moi, Ancilla. C'est que... j’ai dans la tête une drôle d’affaire.
    Ancilla roula sur le côté, dans les draps, puis s’assit en tailleur devant Pietro, les mains reposant sur ses genoux. Pietro admira le galbe de ses jambes, ses seins aux aréoles brunes. La chevelure de la jeune femme tombait sur ses épaules. Elle attrapa un fruit sur une petite table, à portée de sa main, et le mordit à pleines dents avant de demander, la bouche pleine :
    — Ne peux-tu m’en parler? Peut-être pourrais-je t’aider... Mmh, che fruit est délichieux.
    — Non, ma chère. Il s’agit de choses qu’il vaut mieux que je garde pour moi.
    — Mais que trafiques-tu au juste, avec le Conseil des Dix ? Tu sais que l’on commence à chuchoter à ton propos, ici et là...
    — Je le soupçonnais en effet. Que dit-on exac...
    Pietro s’interrompit. On venait de frapper à la porte de la chambre.
    Il se leva, s’habilla rapidement et alla ouvrir. Un enfant se tenait là, en guenilles, levant vers lui un sourire radieux. Sa frimousse était sale, il lui manquait une ou deux dents, il ne cessait de se gratter le nez ; mais ses grands yeux, insolents et rieurs, rachetaient tout le reste.
    — Qui t’a laissé monter, toi ?
    Le gamin sourit de plus belle.
    — Viravolta de Lansalt ?
    — Lui-même.
    Il lui tendit une lettre, pliée en

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