Le piège de Dante
à moitié et regarda par-dessus le muret.
Des pas . Oui, c’étaient bien des pas, sur la terre fraîche. Une torche venait de s’allumer.
Pietro sentit l’excitation lui revenir.
La torche dansait à quelques mètres devant lui, entre deux buissons, sur l’une des allées du parc. Elle paraissait avancer toute seule, entre les massifs. Au bout de quelques secondes, elle s’immobilisa. La flamme montait vers le ciel. Pietro distingua une forme encapuchonnée, qui semblait regarder dans une autre direction. Le mystérieux arrivant reprit sa marche, puis s’arrêta encore. Il hocha la tête. Une seconde torche s’alluma.
Pietro suivit des yeux les deux silhouettes. Il les distingua nettement qui s’approchaient de l’arche en ruine, juste derrière l’une des fontaines des jardins; elle avait dû, autrefois, en marquer l’entrée. Puis, soudain, les torches parurent se rapprocher du sol, descendant par degrés. Elles s’évanouirent d’un coup, au point que Pietro se demanda s’il n’avait pas été victime d’une illusion. Il se rassit. Etait-il possible que l’arche dissimulât quelque passage secret, menant dans les profondeurs de la terre? Il devait en avoir le coeur net. Il n’eut pas longtemps à prendre son mal en patience; cinq minutes après, une autre torche fit son apparition. La même scène se déroula alors à l’identique. Le nouveau venu marcha sur quelques mètres, rejoignit un comparse, et tous deux disparurent auprès des ruines. Les Oiseaux de feu se présentaient ainsi deux à deux et à intervalles réguliers, avant de se rendre sur le lieu exact de leur rassemblement.
Bien... A nous de jouer, pensa Pietro.
Il laissa passer quelques instants puis, d’un bond, il sauta par-dessus le muret et se faufila jusqu’à l’endroit où il avait vu apparaître la première torche. Il ne bougea plus. Comme il l’avait pressenti, il entendit bientôt crisser la terre de l’allée et distingua une ombre. Arrivée tout près de lui, celle-ci s’arrêta. Elle était encapuchonnée, elle aussi, vêtue d’une bure qui rappelait l’accoutrement monacal, serrée à la ceinture par une cordelette blanche. Une voix chuchota, hésitante :
— Parce que le lion rugit si fort...
Pietro cligna les yeux. Il porta instinctivement la main au pommeau de son épée, prêt à la faire glisser du fourreau; mais si l’autre était plus rapide, il risquait de donner l’alerte.
— Parce que le lion rugit si fort... ? réitéra le membre de la secte avec nervosité.
Un mot de passe. Ce devait être un mot de passe.
La silhouette alluma sa torche pour dévoiler le visage de son interlocuteur. Le poing ganté de Pietro le cueillit aussitôt en plein visage.
L'homme étouffa un cri tandis que Pietro achevait de l’assommer. Il tendit l’oreille : rien. En quelques secondes, il le tira dans les fourrés, lui ôta sa bure et l’attacha solidement contre une vasque avec la cordelette de sa propre cape, dont il le recouvrit, non sans l’avoir bâillonné à l’aide d’un mouchoir. Le visage de l’homme dont il venait de se débarrasser lui était inconnu. Pietro enfila la bure et revint vers l’allée, dissimulant comme il le pouvait son épée sous ce nouveau vêtement. Il ajusta la capuche par-dessus sa tête et ramassa la torche tombée à terre. Puis il s’avança dans l’allée.
Une seconde torche s’alluma alors qu’il approchait de l’arcade. Pietro s’éclaircit la gorge; il avait les lèvres sèches. Il fallait improviser.
— Parce que le lion rugit si fort..., murmura-t-il.
— ... Il ne saurait craindre la mort, répondit son interlocuteur, satisfait.
Pietro se dirigea vers l’arcade avec l’autre « disciple ».
Il ne fut qu’à moitié surpris lorsqu’il découvrit les marches étroites d’un escalier de pierre qui, dissimulé entre les vestiges de l’arcade et des colonnes voisines, s’enfonçait dans les profondeurs. Il emboîta le pas à son acolyte du moment, en essayant de garder une respiration régulière. A présent, il était bel et bien seul. L'escalier tourna deux fois sur lui-même, puis ils débouchèrent dans une salle cernée de flambeaux. Pietro retint une exclamation. La salle était assez vaste. Il s’agissait sans doute d’un ancien caveau familial. Une alcôve abritait un gisant poussiéreux, drapé de marbre et de pierre, les mains jointes, une épée contre son corps. D’autres pierres tombales donnaient à l’endroit des allures de
Weitere Kostenlose Bücher