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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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montait vers les appartements de l’étage. Deux cheminées agrémentaient les façades est et ouest. Tapisseries, meubles précieux, tableaux de maîtres entouraient le vaste espace que l’on avait dégagé pour les festivités. Des tables en enfilade présentaient les mets les plus délicieux : cailles, bécasses, perdrix, chapons, rôtis de veau accompagnés de toutes sortes de légumes ; soles, anguilles, poulpes, crabes ; beignets, fromages, paniers gorgés de fruits, véritables cornes d’abondance, farandole de desserts multicolores, le tout arrosé des meilleurs vins italiens et français. Les valets s’affairaient autour des couverts d’or et d’argent, des assiettes de porcelaine et des verres de cristal. Des statues de bois peintes, évoquant des esclaves portant des corbeilles chargées d’épices, étaient disposées de part et d’autre du buffet, et semblaient veiller à sa bonne tenue. Entre les tentures rouges et les lambris, des divans et des fauteuils disposés en cercle, ici et là, ménageaient aux invités des espaces de conversation tranquille, tandis que le centre de la salle appartenait aux danseurs, peu nombreux en ce début de soirée. Au fond, devant le cortile , un orchestre était installé. Les musiciens étaient également déguisés. Une quarantaine de personnes se croisaient et commençaient à discuter; près de cent, encore, étaient attendues. L'endroit était bien plus grand et plus profond que la façade et le vestibule d’entrée de la villa ne le laissaient présager. Le sol marbré était recouvert de motifs losangés, dans des tons pastels, beiges et bleu ciel.
    Pietro déambulait au milieu de Colombine, Pulcinella, Pantalon, Truffaldin, Brighella, Scapin, et de tant d’autres figures emplumées, le visage caché par des loups, des masques blancs au nez crochu, des maquillages outranciers que les femmes dissimulaient à peine derrière des éventails vénitiens finement ouvragés; tout n’était que vestes, gilets, fantômes surmontés de tricornes, caracos, manteaux rutilants et balconnets plongeants, robes ondoyantes, mouches artistiquement posées sur la fraîcheur d’une joue ou la rondeur d’un sein; Pietro ne tarda pas à repérer l’ambassadeur, qui portait un chapeau noir surmonté d’une collerette et, tout de bleu vêtu, laissait traîner derrière lui une cape évoquant les plumes d’un paon, tandis que sa main s’attardait sur le pommeau d’une canne argentée. Il était déjà entouré d’un arc-en-ciel de courtisanes, que Vicario, sans pour autant révéler l’identité exacte du dignitaire français, s’était employé à rassembler auprès de lui. Non loin, le peintre en sa toge romaine s’avançait vers l’une des tables pour y picorer de quoi accompagner son verre de chianti. Les agents de la Quarantia devaient se trouver là eux aussi, répartis en divers endroits de la salle. Et d’autres invités arrivaient, tandis que l’orchestre commençait à jouer en sourdine. L'alcool, déjà, coulait à flots. La loggia était la pièce la plus grande du rez-de-chaussée ; à droite, à gauche, d’autres portes s’ouvraient sur des salons dont la décoration était d’une richesse tout aussi grande, profonds canapés, fauteuils accueillants, commodes chargées de bibelots de prix. Deux balcons de bois permettaient à quiconque le souhaitait de se rafraîchir un instant et de contempler les canaux voisins ou la lune montante. Pietro savait que, derrière les salons, Vicario avait aménagé chambres et alcôves où les couples, grisés et échauffés, ne manqueraient pas de terminer la soirée, plus tard, à deux ou davantage – pour d’autres plaisirs.
    Viravolta sourit lorsqu’il reconnut, non loin de lui, une jolie femme de sa connaissance. Luciana Saliestri, tout en beauté. Elle portait une moretta , masque sans bouche, aux contours souples et stylisés, qu’elle maintenait devant son visage, et une robe au drapé incandescent. Ses boucles d’oreilles étincelaient, elle avait ramené ses cheveux en chignon derrière la tête. Luciana reconnut elle aussi Pietro, alors qu’il s’approchait d’elle.
    — Bonsoir, ma Domino. Je suis heureux de voir que vous avez décidé de venir...
    — Je ne pouvais refuser l’invitation de Messer Vicario, cher ami. Et ne me donnez pas trop vite du « Domino » par-ci et du « Domino » par-là : je n’ai pas dit oui à votre proposition. Je suis une indépendante, vous le savez. L'idée de

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