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Le piège de Dante

Le piège de Dante

Titel: Le piège de Dante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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au-dessous de lui, et poussait des gémissements étranglés. A ses pieds, l’homme avait noué un filet chargé de roches noires, dont elle ne parvenait à se défaire. Plus encore, écartelée ainsi entre la tension de la corde et celle qu’exerçaient les rochers, elle portait ses mains crispées à sa gorge en poussant des halètements d’agonie. Les tresses de la corde se cassaient sous l’effet de ce poids. Pietro s’élança, mais il était trop tard. Il y eut un craquement sec, la balustrade de bois céda et la corde lui échappa des mains en un sifflement. Il poussa un cri de douleur, ses deux mains venaient d’être entaillées jusqu’au sang. Puis il roula des yeux exorbités. Luciana venait de tomber; sa tête se fracassa contre la margelle du quai, quelques mètres plus bas, puis elle coula à pic lorsqu’elle atteignit le canal. Déjà, deux hommes interloqués – sans doute des agents de la Quarantia en faction, alertés eux aussi par les cris – se jetaient à l’eau pour tenter de la rattraper.
    Pietro, en sueur, releva les yeux. Il s’agrippa à son tour au treillis et grimpa comme il le put en direction du toit. Il ôta le masque qu’il avait gardé sur ses yeux. Celui-ci tomba dans le canal, emporté par le faible courant.
    Il oscilla un moment au faîte de la villa Vicario. Un prompt rétablissement l’amena sur l’une de ces terrasses de bois où les Vénitiennes venaient se chauffer au soleil, pour colorer de chaleur leurs cheveux épandus. Il reprit son souffle un instant auprès d’une cheminée et regarda dans toutes les directions. L'aurore, à peine naissante, lui fit entrevoir l’ombre de son fantôme qui s’enfuyait sur les toits voisins, au milieu des forêts de fumaioli d’où aucune fumée, pour l’heure, ne s’échappait. Pietro s’élança encore. Un bond, et il fut sur la terrasse voisine. Le saut suivant fut plus dangereux, près de trois mètres séparant les deux toits. La cape du mystérieux assassin – l’un des Stryges, à n’en pas douter – volait derrière lui. Subitement, il se retourna et tendit le poing. Il y eut un éclair; il venait de tirer de son pistolet à poudre. Pietro s’aplatit sur la terrasse, manquant de glisser dans le vide. Ce fut le moment que choisit le fantôme pour descendre la paroi de la villa. Pietro le reprit en chasse et, arrivé à son tour sur la bordure du toit, il vit l’homme qui tentait de gagner le sol sans encombre.
    Pietro écarta les pans de son manteau et saisit à sa ceinture ses propres pistolets, qu’il pointa en direction du fuyard.
    — Messer ! dit-il.
    L'autre s’arrêta, leva les yeux.
    Un instant, ils se regardèrent sans bouger. Mais dans sa hâte, l’homme masqué manqua son appui. Il tenta vainement de se rattraper, une main battit dangereusement dans le vide. Puis il perdit définitivement l’équilibre et alla s’écraser plus bas dans un bruit mat.
    Essoufflé, Pietro descendit à son tour en prenant garde à ne pas suivre le même chemin. Il atterrit enfin sur le pavé piqueté de la ruelle où l’homme était étendu. Il se pencha sur lui et l’agrippa par le collet. Sous le masque, un filet de sang coulait depuis la bouche.
    — Ton nom, dit Pietro. Donne-moi ton nom !
    Le fantôme eut un hoquet, puis un vague sourire, qui étincela dans l’ombre.
    — Ramiel... dit-il, de l’ordre... des Trônes...
    Il sourit encore, puis sa main se crispa dans un spasme sur l’épaule de Pietro. Le corps se raidit, avant de s’affaisser. Sa tête dodelina et tomba sur le côté tandis qu’il expirait.
    Pietro se releva, laissant le cadavre échoué sur le pavé, et essuya son front en sueur.
    Ils étaient là.
    Et ils ont tué Luciana.

CHANT XII
    Avares et Prodigues
    Quatrième Cercle : Avares et Prodigues, roulant des rochers en s’injuriant mutuellement , et la riche veuve Luciana Saliestri était repêchée dans le canal par les agents de la Quarantia. L'endroit était suffisamment profond pour laisser le passage aux bateaux ; Luciana avait disparu au fond et il avait fallu du temps pour la récupérer, même si le dragage improvisé avait été effectué le plus rapidement possible. Elle était morte de toute façon avant sa noyade, sous l’effet conjugué de la corde qui lui avait cisaillé le cou et de sa chute contre la margelle du quai. En voyant cette dépouille que l’on sortait de l’eau, Pietro lui trouva des airs d’Ophélie, ruisselante en ses longs voiles, le visage livide,

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