Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le piège

Le piège

Titel: Le piège Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Emmanuel Bove
Vom Netzwerk:
qu’à s’incliner. Mais
avant de faire taper votre sauf-conduit, je voulais vous demander si vous ne
préféreriez pas qu’il portât la mention « aller et retour ». Il me
semble que c’est plus sage. Au cas où vous ne vous plairiez pas là-bas, vous n’auriez
besoin de rien demander pour revenir. L’Afrique, c’est très joli, mais
croyez-moi, il vaut mieux, avant d’y aller, s’assurer de pouvoir en repartir.
    — Vous avez raison, dit Bridet.
    — Parfait. Je fais donc établir votre
sauf-conduit pour une durée de six mois. C’est ce que nous faisons
habituellement. Et je le soumettrai à la signature cet après-midi.
    — Qui doit signer ? demanda
Bridet qui venait de craindre tout à coup que ce ne fût Basson.
    — Le chef de cabinet du Directeur
général, M. Reynier.
    — Ah ! bon, c’est très bien...
    Bridet venait d’avoir l’impression que la
chance le favorisait enfin. Tout à l’heure, quand il avait vu Basson, celui-ci
ignorait sans doute que la réponse du gouverneur était arrivée. Pour se
débarrasser de son camarade, il avait répondu n’importe quoi. D’ailleurs, ces
formalités ne dépendaient plus de lui. Bridet ne faisait rien de mal en
paraissant oublier ce que Basson avait dit. Il n’allait tout de même pas
empêcher Rouannet d’établir son sauf-conduit. Puisque ce fonctionnaire estimait
qu’il pouvait le lui donner, Bridet n’allait pas lui dire : « Oui,
mais il y a ceci, il y a cela... »
    — Vous n’avez qu’à revenir demain, dit
Rouannet. À moins que vous ne préfériez que je ne vous le fasse porter à votre
hôtel.
    — J’aime mieux revenir, dit Bridet.
    ** *
    En sortant du ministère, Bridet n’en
éprouva pas moins un malaise. « J’ai agi bêtement. Je n’aurais jamais dû
reparler à Basson de mes papiers. Il avait accepté. J’ai l’air maintenant de
faire des démarches en cachette, de ne tenir aucun cas de lui. »
    Bridet alla déjeuner. Il était toujours
préoccupé. L’histoire de la signature surtout l’inquiétait. Est-ce que ce M.
Reynier allait signer comme cela, sans s’informer, simplement parce que la
pièce lui était présentée ? Basson lui avait-il parlé de Bridet ? Ce
M. Reynier n’allait-il pas se lever tout à coup, aller trouver Basson, lui dire :
« Mais je croyais que vous ne vouliez pas lui donner de sauf-conduit ? »
    « Si Basson me fait une observation,
pensa Bridet, je n’aurai qu’à lui répondre : Tu es parti si vite... Je n’ai
pas compris ce que tu m’as dit... Quand Rouannet m’a appelé, j’ai cru que tu
étais au courant, que c’était toi-même qui avais arrangé les choses avec
Rouannet. Je ne pouvais tout de même pas être mieux renseigné que tes services
eux-mêmes. »
    Mais il avait beau essayer de se rassurer,
Bridet n’avait pas la conscience tranquille. Il sentait bien qu’il y avait dans
sa conduite quelque chose d’équivoque. Il réfléchit pendant tout le repas,
puis, à la terrasse d’un café, vers trois heures, fatigué de penser à cette
histoire, il fut pris tout à coup d’un immense dégoût pour Vichy. Il n’avait qu’à
partir immédiatement. Jamais il ne remettrait les pieds dans cette ville
abominable. Il n’y avait rien à espérer de gens pareils. On le lanternait. On
cherchait à le mettre dans une position grotesque. Il se pouvait même que tout
cela fût combiné. Rouannet, Reynier, Basson étaient de mèche. Ils allaient lui
jouer la grande scène de la comédie. « Comment, vous avez fait cela Mais
vous ne vous rendez pas compte de la gravité de vos actes ! » Il
valait mieux partir immédiatement. Ils n’avaient qu’à le garder, leur
sauf-conduit.
    Cet accès de colère passé, Bridet prit la
décision qui lui paraissait la plus simple. Quoi qu’il arrivât, il quitterait
Vichy le lendemain, mais avant de partir il irait une dernière fois au
ministère. Il demanderait Rouannet. Si celui-ci se dérobait, si le sauf-conduit
n’était pas signé. Bridet ferait semblant de ne pas s’en étonner. Il dirait,
pour ne pas éveiller de soupçon, qu’il reviendrait dans l’après-midi, le
lendemain, mais aussitôt, sans hésitation ni regret, il se rendrait à pied à
Cusset. Là, il prendrait un car pour Saint-Germain-des-Fossés où il monterait
dans le premier train pour Lyon. De cette façon, il couperait à la surveillance
de la gare de Vichy.
    Cette ligne de conduite fixée, il pensa qu’en
attendant il ne devait rien

Weitere Kostenlose Bücher