Le piège
téléphoné,
continua Basson, faisant celui qui ne se rappelle plus très bien ce qui s’est
passé.
— Yolande ?
— Yolande. Parfaitement. Je sortais de
mon bain. On me branche du ministère avec Lyon. Je me dis : « Mais qu’est-ce
qui arrive ? » Et c’était Yolande. Ta pauvre femme avait complètement
perdu la tête.
Basson s’interrompit pour rire. Il reprit :
— Ah ! Tu es bien toujours le même !
— Yolande a eu peur, constata Bridet.
— Je ne vois pas pourquoi, observa
Basson, comme s’il ne comprenait pas qu’on pût avoir peur de la police quand on
n’avait rien à se reprocher.
— Elle s’est imaginée que je courais
des dangers...
— Mais au fait, est-ce que tu as
vraiment été arrêté ?
— Non, dit Bridet. Il s’agissait d’une
simple vérification d’identité.
— Ce n’est pas ce qu’avait l’air de
dire Yolande.
— Puisque tu t’es occupé de cette
affaire, tu sais bien qu’il ne s’agissait que de cela.
— Je ne sais absolument rien. C’est
pour cela que je te pose des questions, continua Basson.
On eût dit que l’amitié qui le liait à
Bridet était telle qu’il était intervenu sans chercher à se renseigner au
préalable et quelque grave que pût être ce qui était reproché à son camarade.
— Je te le répète il s’agissait d’une
vérification d’identité.
— Ça n’en avait pas l’air, poursuivit
Basson. Le commissaire de Lyon ne voulait rien entendre. Ils sont
extraordinaires tous ces hyper-gaullistes ! Qu’on veuille arrêter les gens
ou les relâcher, ils mettent toujours des bâtons dans les roues.
Bridet raconta en détail ce qui s’était
passé à l’hôtel.
— Oui, oui, ça je le sais. Mais est-ce
qu’il n’y a pas autre chose ?
— Autre chose ? demanda Bridet
avec une subite inquiétude.
— Outhenin, tu le connaissais à Paris ?
Tu vois qui je veux dire ? Il fait la navette en ce moment, entre les deux
zones...
— Non, non, je ne vois pas.
— Enfin, ça n’a pas d’importance.
Outhenin m’a parlé d’un rapport. Il m’a dit qu’ils n’étaient pas contents.
— Qui « ils »?
— Enfin, à Lyon et ici d’ailleurs.
Comme je te l’ai dit, je ne suis pas au courant.
— Je ne comprends plus rien, dit
Bridet. Un rapport ? À quel sujet ?
— Moi non plus.
— Mais tu me dis toi-même que tu as
tout arrangé.
— J’ai tout arrangé, mais je ne sais
rien. J’ai tout pris sur moi, c’est tout. Allons, dis-moi la vérité. Est-ce qu’il
n’y a pas une histoire de gaullisme, là-dessous ?
— Écoute, Basson, tu es complètement
ridicule. C’est une idée fixe, chez toi, le gaullisme. Qu’est-ce qu’il vient
faire là-dedans ?
— C’est justement ce que je te
demande. Yolande me téléphone. J’arrange les choses. Mais il y a du tirage.
Pourquoi ? Et ce rapport, qu’est-ce que c’est ?
— Quel rapport ?
— On m’a parlé d’un dossier.
— Comment veux-tu que je le sache ?
dit Bridet.
— Enfin, tu n’es pas un enfant. On se
doute toujours de quelque chose.
— Je ne sais absolument rien, dit
Bridet sur le ton ferme d’un homme qui veut mettre fin à des commérages.
— Ce dossier serait imaginaire ?
— Tu n’as pas demandé à le voir ?
— Je n’ai pas eu le temps, et puis, tu
comprends, dans ton intérêt, il m’a paru qu’il valait mieux ne pas trop
insister. Cette histoire...
— Mais il n’y a pas d’histoire s’écria
Bridet qui sentait qu’il devait s’indigner, mais qui ne le pouvait pas.
— Ah ! ça, pour y avoir une
histoire, il y en a une, dit Basson sur un ton de plaisanterie qui contrastait
avec la gravité de cette révélation.
— Quoi !
— Je ne sais pas, reprit Basson, comme
s’il craignait d’avoir inquiété inutilement son ami.
— Mais moi, je veux savoir, dit Bridet
en réussissant enfin à simuler un peu de colère.
— Je vais appeler Vauvray. Tu le
connais, je crois ? Il va nous renseigner.
— Oui, oui, je le connais. Mais enfin,
c’est extraordinaire, que tu ne saches rien.
Peu après, Alain de Vauvray entra dans le
bureau.
— Dites, monsieur de Vauvray, qu’est-ce
qu’il se passe avec notre ami Bridet ?
— Je n’en sais rien, dit Vauvray en
souriant très aimablement à Bridet. Ce n’est pas moi qui m’occupe de l’affaire.
Le rapport est aux Renseignements généraux, je crois. Il faudrait plutôt voir
Outhenin.
— C’est ce que je
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