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Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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condescendance par un maître d'hôtel allemand à favoris frisés. Informé par Pibia, le majordome de Cornfield Manor, de la qualité du visiteur, l'homme haussa les sourcils et parut douter qu'un lien de parenté pût exister entre ce grand gaillard à la stature de bûcheron, portant casquette de marine, et son maître.
     
    – Vous ne voulez tout de même pas voir nos passeports ? demanda sèchement Lewis Colson.
     
    Ignorant avec superbe la méfiance du butler, lord Simon pénétra dans le premier salon qu'il trouva, se laissa tomber dans un fauteuil et demanda au valet venu en renfort de lui servir « presto un verre de bière bien fraîche ».
     
    – Par saint George, mon garçon, où sont-ils tous passés ? demanda-t-il au maître d'hôtel, toujours circonspect et visiblement scandalisé par le sans-gêne du visiteur.
     
    Le banquier était à sa banque ; Henry G., l'aîné des enfants, à ses entrepôts de Pearl Street ; quant aux deux demoiselles, Lyne et Ann, qui résidaient encore sous le toit de leur père, elles séjournaient à Long Island, au bord de la mer, chez leur sœur Edna, mariée depuis peu à un magistrat.
     
    – Et lady Ottilia Cornfield, ma fille, hein, où est-elle ? rugit Simon Leonard.
     
    – À Washington, sir. Chez Mme Sampson, sir.
     
    – Et qui est cette Mme Sampson ? Sans doute une bloomerist déguisée, hein !
     
    – Non, sir, c'est la mère de l'aspirant Edwin Sampson, de West Point. En quelque sorte le futur fiancé de Mademoiselle.
     
    – Eh bien, nous y voilà ! C'est par un domestique que j'apprends le nom de mon possible futur gendre, pesta lord Simon.
     
    Comme le butler, plein de morgue, restait figé, Simon Leonard vida son verre de bière et se leva.
     
    – J'ose espérer que mon appartement et les chambres de mes amis sont prêts. Conduisez-nous et envoyez chercher nos bagages. Allez, ouste !
     
    – Je vais prévenir Hamer, la gouvernante, s'excusa l'homme avant de quitter le salon, raide comme un piquet, le menton levé, le regard sombre.
     
    – Drôle d'accueil ! Il n'y a que la famille pour négliger ainsi celui qui vient de loin. Puisque personne ne vous y invite, asseyez-vous, mes amis. Et vous, Tilloy, sonnez pour qu'on nous apporte à boire. Il fait une chaleur insupportable ; et pas un punkah ni le moindre nègre pour faire de l'air ! grogna lord Simon.
     
    Gladys Hamer, la gouvernante – robe noire, col et manchettes de dentelle, bandeau gris et collier de chien –, avait été informée de l'arrivée imminente du cousin Simon Leonard, dit, chez les Cornfield américains, « le lord des Bahamas ». Tout sourire et tout miel, elle sut apaiser le visiteur. Un valet conduisit le baronet à l'appartement qui lui était réservé, à l'étage noble de l'hôtel particulier. Une femme de chambre noire prit soin de Margaret Russell, et le majordome lui-même, soudain aimable, conduisit à leur chambre les époux Weston Clarke. Pibia, le majordome de Cornfield Manor, fut logé sous le même toit que son maître.
     
    Entre-temps, Tilloy s'était enquis de l'hébergement de Charles, de Murray et du commandant Colson pour qui le banquier avait loué, dans un hôtel voisin du sien, des chambres confortables. Quant à lui, il regagna le Phoenix , confié alternativement à sa garde et à celle de Philip Rodney, l'enseigne Hocker étant corvéable à merci. Les gradés et marins auraient, par bordée, la même permission, assortie de l'obligation de rentrer coucher à bord, « si possible dessaoulés », avait dit le bosco. Chacun pourrait ainsi jouir, un jour sur deux, de la liberté de visiter la ville. Comme tous les officiers de la marine marchande anglaise, ceux du Phoenix comptaient, à New York, des amis plus accueillants que les Jeffrey Cornfield. Ces gens guideraient leurs choix dans une cité qui comptait de nombreux bars, restaurants, cabarets et théâtres, ainsi que cinq cents bordels, select ou sordides, hébergeant des demoiselles à la carnation plus ou moins colorée, mais toutes de bonne compagnie.
     
    Il avait été entendu que Malcolm Murray, en sa qualité de neveu de lord Cornfield, et Charles Desteyrac, ingénieur étranger ayant droit à des égards particuliers, auraient table ouverte chez le cousin Jeffrey, et qu'ils y seraient à toute heure les bienvenus.
     
    Les deux amis étaient présents à Cornfield House quand, en fin d'après-midi, le maître de maison apparut. Il se fit aussitôt

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