Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Pont de Buena Vista

Le Pont de Buena Vista

Titel: Le Pont de Buena Vista Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
bouteilles à son chiffre, dont il avait lui-même dessiné la forme et le décor. Une demi-heure après le départ, Charles, en tant que Français, « donc homme de goût », d'après l'Américain, fut invité à donner son avis sur le dessin d'une bouteille de bière Greuben. Il approuva sans réserve la maquette, même si le blason surmontant le nom du brasseur Peter Van Greuben lui parut disproportionné par rapport au volume du flacon. Van Greuben révéla qu'il descendait d'une très ancienne famille new-yorkaise. Ses ancêtres hollandais figuraient, en 1626, parmi les fondateurs de La Nouvelle-Amsterdam 2 et avaient habité Manhattan au temps des Mohican, bien avant que les Anglais n'y débarquent, assura-t-il.
     
    Le brasseur aimait son pays et tenait à faire partager cet amour aux étrangers. Il se disait fier du passé de l'Amérique, de la conquête de son indépendance, et convaincu que la démocratie américaine inspirerait les pays d'Europe encore dans l'ignorance, croyait-il, des libertés essentielles, notamment celle d'entreprendre ce qui vous plaît, quelles que soient vos compétences.
     
    À l'arrêt de New Brunswick, à une trentaine de miles de New York, il désigna à Charles les bâtiments du Rutgers College où, se souvint l'ingénieur, Ounca Lou avait étudié. Un instant plus tard apparut Princeton College, fondé en 1746.
     
    – C'est là, de juin à novembre 1783, que se tint le Congrès continental qui avait quitté Philadelphie. Au cours de cette session, ses membres apprirent que le traité qui mettait fin à la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis avait été signé, à Paris, le 3 septembre. Ce fut un grand jour, mon gars. Les armes déposées, nous allions enfin pouvoir construire le pays dont nous rêvions. Ce que nous avons fait, dit Van Greuben, satisfait comme qui a su concrétiser ses ambitions et atteindre son but.
     
    Il finit heureusement par s'endormir et Desteyrac tira de sa sacoche l'ouvrage de Harriet Beecher-Stowe, la Case de l'oncle Tom . Le livre lui avait aussi été recommandé par le commandant Colson. D'après l'officier, ce « plaidoyer politique et social en forme de roman » était le meilleur instrument de propagande pour les abolitionnistes. En 1852, année de sa publication, l'éditeur en avait vendu trois cent cinq mille exemplaires et le livre avait été aussitôt traduit dans de nombreuses langues, dont le français.
     
    Certes, les scènes de la vie des esclaves rapportées par la romancière intéressaient Charles, mais il dut bientôt renoncer à poursuivre sa lecture, les trépidations du train la rendant incommode.
     
    Périodiquement apparaissait un employé noir de la compagnie. Il proposait, pour quelques cents, des beignets de farine de sarrasin arrosés de sirop d'érable, qu'il cuisait sur commande dans un wagon de service pourvu d'un fourneau.
     
    Aux arrêts, assez fréquents pour un train dit express , des colporteurs montaient à bord des voitures pour vendre des rafraîchissements, des journaux, du tabac, des fruits, des friandises, tandis qu'un employé des télégraphes parcourait le convoi en brandissant une ardoise qui portait, inscrit à la craie, un nom que l'homme allait répétant : celui d'un voyageur destinataire d'un télégramme transmis à l'opérateur de la station.
     
    Pour Desteyrac, ce procédé illustrait ce que Jeffrey Cornfield avait vanté comme étant « la grande efficacité américaine dans un pays où rien n'arrête les affaires », pas même un voyage en chemin de fer ! Malgré ces apparences, Charles savait à quoi s'en tenir quant à la rapidité et à l'efficacité américaines, en matière industrielle tout au moins.
     
    À Philadelphie, où le train fit un arrêt prolongé, Van Greuben s'éveilla, commanda à boire et à manger, invitant le Français à partager une sorte de pâté de viande de porc des plus consistant et une tarte aux pommes. Charles calcula qu'ils avaient parcouru moins de cent cinquante kilomètres en quatre heures et demie, mais se dit impressionné par le pont de bois, d'une seule arche de près de cent mètres, sur lequel le convoi franchit au ralenti la rivière Schuylkill.
     
    – Les charpentes de l'ingénieur Ithiel Town font que nos ponts de bois ne sont pas près de céder la place aux ponts de fer suspendus de Roebling, commenta le New-Yorkais.
     
    – On dit cependant que le pont suspendu que John Roebling a lancé sur le Niagara est une

Weitere Kostenlose Bücher