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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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compulsa le drame de sa vie, établit le bilan de son désastre.
    Son crime – nous employons ici les termes qui durent se formuler dans cette pauvre pensée affolée – son crime avait duré plus de six ans et s’était traduit par des actes définitifs.
    Le crime, c’était de ne pas avoir aimé Roland autant qu’elle en était aimée. Roland était demeuré fidèle. Elle avait trahi.
    Elle ne l’avait pas aimé de tout amour, puisqu’elle avait douté de lui ! puisqu’elle avait pu écouter l’accusation de la courtisane !
    Dans la nuit des fiançailles, lorsque devant le Conseil des Dix, Imperia affirma que Roland était son amant et qu’il avait tué Davila par jalousie, elle aurait dû penser et crier :
    « Tu mens, Roland est à moi tout entier, comme je suis à lui tout entière. »
    Lorsque la vieille dogaresse Silvia avait voulu l’entraîner vers l’escalier des Géants pour soulever le peuple, elle aurait dû crier :
    « Courons, mourons avec lui ! Car lui et moi nous ne sommes qu’un seul être et rien ne peut nous désunir. »
    Lorsque son père lui avait juré que Roland gracié s’était enfui de Venise, elle aurait dû crier :
    « Tu mens ! Car Roland libre ne chercherait de refuge nulle part ailleurs que près de moi. »
    Lorsque son père, encore, lui avait annoncé la mort de Roland, elle aurait dû crier :
    « Tu mens ! Car Roland aurait eu la force de se traîner jusqu’ici pour mourir avec moi, dans mes bras. »
    Et lorsqu’elle avait marché à l’église de Sainte-Marie, à l’église consacrée aux vierges fidèles, elle aurait dû crier :
    « Je n’épouse pas Altieri, puisque je suis l’épouse de Roland. Et ne pouvant être à lui, j’épouse la mort ! »
    Oui ! voilà ce qu’elle aurait dû crier, en se poignardant au pied de l’autel des vierges pures, des vierges qui savaient aimer d’amour.
    Il est nécessaire que nous le répétions ici : cet admirable
lamento
d’amour n’est pas de notre création ; nous en avons retrouvé les motifs dans une longue lettre que Léonore écrivit peu après et qui était une sorte de confession.
    Ainsi donc, voilà quelles étaient les formes visibles qu’avait pris son crime. Et ce crime, qui avait été le doute, la négation de l’amour, s’était perpétré six ans – jusqu’à cette minute où l’aveuglante vérité l’avait éblouie.
    Roland n’était pas mort.
    Roland était demeuré six ans dans les puits.
    Et elle, misérable – pour nous pauvre martyre ! – avait trahi, avait terni à jamais la pureté de son amour en acceptant la déchéance d’un mariage.
    En vain avait-elle sauvegardé, par une dernière résistance, par un dernier effort de fidélité, la pureté de son corps ; en vain avait-elle mis entre elle et celui qu’elle avait accepté pour mari d’infranchissables barrières, elle n’en était pas moins déchue.
    Et c’est cela qu’avait dû penser Roland, puisque dans cette tragique entrevue de l’île d’Olivolo, il était demeuré devant elle muet et glacé. C’était donc fini !
    Alors, la mort seule, la mort libératrice devenait un refuge possible. Voilà ce que pensa Léonore dans cette heure de désolation où, le délire l’ayant quittée, la vie se reprenait à sourdre dans sa robuste nature.
    Et comme elle demeurait ainsi prostrée dans un anéantissement de tout espoir, comme elle fermait plus violemment les yeux pour appeler plus vite la nuit éternelle, un murmure de voix, tout près d’elle, la frappa soudain. Elle écouta, et pour la première fois depuis qu’elle pouvait penser, songea à s’étonner d’être là, dans son lit.
    Elle se rappela tout à coup qu’elle était tombée au milieu de la chambre. Sans doute ses femmes l’avaient couchée. Mais quel temps s’était écoulé ? Une heure ? Un jour ?
    Elle écouta. Les voix étaient basses mais très distinctes.
    Ce n’étaient pas des voix de femmes comme elle avait imaginé au premier instant : c’étaient des voix d’hommes.
    Elle les reconnut presque aussitôt et employa tout ce qu’elle avait encore de forces à ne faire aucun geste, à contenir l’horreur qui voulait exploser sur ses lèvres.
    Ces voix qu’elle venait de reconnaître, c’étaient celles d’Altieri et de Dandolo – de son mari et de son père !…
    « Cinq jours que cela dure !… disait Altieri. Cinq mortelles journées d’angoisses et de terreur…
    – Ainsi elle a parlé ! reprenait

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