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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Dandolo dans une indicible explosion de joie.
    – Reconquis, mon père ! » répondit Léonore tandis qu’une expression de fierté illuminait son visage.

    *
    * *

    Dandolo s’était relevé.
    « Tu ne resteras pas ici, dit-il d’une voix qui tremblait ; je vais te faire emporter, là-bas, dans notre maison de l’île d’Olivolo… c’est moi qui te guérirai, je te l’assure, va, j’en suis sûr maintenant. Nous reprendrons notre vie de jadis, tous deux seuls, rendus l’un à l’autre… Attends… je vais appeler, donner des ordres… heureusement, il n’y a rien de changé à notre maison… »
    Léonore secoua la tête.
    « Mon père, dit-elle, vous oubliez qu’Olivolo n’est plus à nous… »
    Dandolo demeura atterré…
    Il avait oublié cela ! Il avait oublié Roland ! Il murmura :
    « La maison est vendue !
    – A un étranger ! fit vivement Léonore.
    – Eh bien ! peu importe ! reprit Dandolo. Nous louerons une maison…
    – Mon père, dit Léonore avec fermeté, vous oubliez qu’une fille des Dandolo n’a jamais quitté la maison du mari qu’elle avait accepté… Ne craignez rien pour moi. Tout à l’heure je voulais mourir. Maintenant il faut que je vive… pour vous, mon père… sinon pour d’autres. Le seigneur Altieri comprend sans doute ma pensée… Il sait que jamais un mot ne sortira de ma bouche qui puisse trahir son secret. Il sait que s’il trompait à nouveau notre pacte, s’il entrait encore ici les conséquences en seraient terribles pour lui… Il sait que si un malheur m’arrivait, l’échafaud se dresserait pour lui, car vous seriez là pour le dénoncer… N’est-ce pas, seigneur Altieri, que vous acceptez ainsi les choses ?…
    – J’accepte ! dit sourdement le capitaine général.
    – J’ajoute, reprit Léonore, que mon père sera libre d’entrer ici à toute heure de jour et de nuit…
    – Cela est inutile, dit alors Dandolo ; puisque tu ne veux pas sortir d’ici, ma fille, j’y reste. La pièce voisine sera mon appartement ; et nul n’entrera dans cette chambre qu’en me passant sur le corps… »
    D’un signe de tête, Altieri indiqua qu’il approuvait cet arrangement. Alors, d’un effort qu’une nature aussi énergique que la sienne pouvait seule accomplir, il se leva, et sans tourner la tête vers Léonore et Dandolo, d’un pas presque ferme, il gagna la porte, tira les verrous et disparut.
    q

Chapitre 30 LE CAMP DU GRAND-DIABLE
    I l faut que nous revenions maintenant à Roland Candiano. On a vu qu’après son étrange rencontre avec Léonore, il avait chargé Scalabrino de quelques ordres aux chefs de la montagne et de la plaine, et qu’il s’était aussitôt éloigné de Venise.
    Roland se donnait à lui-même ce prétexte, qu’il fallait voir au plus tôt Jean de Médicis et empêcher à tout prix sa conjonction avec le doge Foscari.
    En réalité, il fuyait Venise, parce que Venise lui était insupportable, parce qu’il avait peur d’une nouvelle rencontre avec Léonore, peur de lui-même, peur de son amour !
    « Quoi ! se disait-il tout en chevauchant le long des routes ombragées de cyprès monstres, de cèdres et de sycomores géants, quoi ! je l’aime donc encore à ce point ! Quoi ! j’ai souffert une éternité de douleur, son nom a meurtri mes lèvres à chaque seconde, chaque pulsation de mon cœur a été un soupir d’amour et elle m’a trahi odieusement, comme la dernière des malheureuses du port n’eût pas trahi son barcarol préféré ! Quoi ! elle a profité de ce que j’étais dans un cachot pour se donner à un autre ! Elle savait que je pleurais des larmes de sang et courait à l’autel !… Et je l’aime encore !… De quelle boue est donc fait mon cœur !… Cette nuit, froide, impassible, tandis que je mordais ma langue pour arrêter le cri d’amour qui montait à mes lèvres, a-t-elle eu seulement un mot de regret !… Elle m’a fait l’aumône de me tirer du guet-apens, elle m’a fait la charité d’un peu de liberté. Elle a fait cela comme elle l’eût fait pour tout autre proscrit… »
    Roland enfonçait alors ses éperons dans les flancs de sa monture et se lançait dans un galop furieux, comme s’il eût espéré que le cheval fou de douleur l’entraînerait dans quelque précipice…
    Puis, peu à peu, les pensées de vengeance se substituèrent aux pensées d’amour et de désespoir. Roland songea à ce Foscari qui était une des causes les

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