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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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de remonter.
    Combien de temps cela dura-t-il ?
    Par quel effort surhumain Scalabrino parvint-il à échapper à la formidable étreinte du tourbillon ?
    Lui-même n’eût pu le dire.
    Il se trouva tout à coup dans une eau plus tranquille, et un coup de talon le fit remonter à la surface du canal.
    Il était sauvé !
    Une demi-heure plus tard, il était dans la maison du port, et changeait de vêtements.
    La tentative avait donc avorté.
    Il avait cherché à s’emparer de Sandrigo pour sauver Bianca. L’aventure qui venait de lui arriver lui prouvait que Sandrigo avait à Venise des appuis contre lesquels il faudrait lutter.
    Tel fut le récit que Scalabrino fit à Roland.
    « Mais que diable avais-tu été chercher à
l’Ancre d’Or ?
demanda celui-ci lorsque le colosse eut achevé.
    – Voilà, monseigneur. C’est le plus dur qui me reste à vous dire. »
    Scalabrino devint sombre.
    Quelque chose comme une grosse larme brilla un instant dans ses yeux.
    Tout en causant, ils avaient marché. Ils se trouvaient maintenant dans l’île d’Olivolo.
    Roland s’approcha de la maison Dandolo.
    « Monseigneur, observa Scalabrino, ne m’avez-vous pas dit au moment de votre départ que cette maison était suspecte ?
    – Oui, à ce moment-là. Mais on a dû cesser de la surveiller. D’ailleurs nous allons voir. »
    Suivi de son compagnon, Roland escalada le mur et marcha droit à la maison.
    Il frappa à la porte.
    « Qui va là ? » demanda une voix au bout de quelques minutes.
    Et le vieux Philippe, une lanterne à la main, apparut, entrebâillant la porte.
    « Ne reconnais-tu pas Jean di Lorenzo, ton nouveau maître ? fit Roland.
    – Pardon, monseigneur », dit le serviteur en ouvrant.
    Il s’empressa d’allumer des flambeaux.
    Roland remarqua que les mains du vieillard tremblaient légèrement et qu’il lui jetait parfois un singulier regard.
    « Tu ne me reconnais pas ? demanda-t-il.
    – Monseigneur, je vous ai reconnu à votre voix, et vous reconnais encore, bien que votre visage ne soit plus celui du seigneur di Lorenzo.
    – Oui, c’est une fantaisie que j’ai quelquefois de changer ma figure. »
    Le vieillard secoua la tête.
    « Que veux-tu dire ? » fit Roland.
    Philippe désigna Scalabrino d’un coup d’œil.
    « Tu peux parler devant lui.
    – En ce cas, je vous dirai, monseigneur, que votre visage de maintenant n’est pas plus le vôtre que celui de Jean di Lorenzo… »
    Scalabrino pâlit. Ses poings se crispèrent.
    « Paix, Scalabrino, dit Roland. Je connais de longue date le vieux Philippe, et je sais qu’il est incapable d’une trahison. Il doit avoir une raison sérieuse pour parler comme il vient de le faire, et, cette raison, il va nous la dire.
    – Oui, monseigneur Roland !… » s’écria le vieillard.
    A ce nom ainsi brusquement jeté, Roland ne put s’empêcher de tressaillir.
    Le vieillard était courbé, accentuant encore son attitude de respect.
    « Parle, dit Roland.
    – J’ai vu hier la signora Léonore. »
    Philippe ne disait plus « la signora Altieri ».
    Roland étouffa une exclamation et, sous ses fards, devint très pâle.
    « Elle est revenue ici ? demanda-t-il d’une voix rauque.
    – Non, monseigneur. Elle m’a appelé près d’elle, au palais Altieri. Et là, dans le secret, seul à seule, elle m’a tout dit, monseigneur. Je sais le véritable nom de Jean di Lorenzo, je sais ce que vous avez souffert… et maintenant, je me demande comment je ne vous ai pas reconnu du premier coup lors de votre première visite. »
    Roland se taisait, agité de sentiments tumultueux.
    « La signora, continua Philippe, m’a affirmé que vous reviendriez sûrement ici.
    – Ah ! elle a dit cela ! fit Roland d’une voix étouffée.
    – Oui, monseigneur, et elle m’a commandé de veiller quand vous seriez là. Je veillerai donc. Voilà ce que j’avais à vous dire. J’ajouterai seulement que vous êtes aussi en sûreté dans cette maison qu’au temps où libre, heureux, vous y veniez en fiancé, non en proscrit… En ces années de soudaines révolutions et de bouleversements, j’avais songé à préparer pour le seigneur Dandolo et sa fille une retraite sûre et introuvable. Cette retraite, j’en ai gardé jusqu’ici le secret… Vienne donc le danger, monseigneur, et il passera à côté de vous, je le jure. Tel est aussi le serment que j’ai fait à la signora Léonore. »
    Roland, silencieusement, tendit sa

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