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Le Pont des soupirs

Titel: Le Pont des soupirs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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quelques pas, puis, à grand-peine, se retourna vers l’ouverture par laquelle il venait de passer. A genoux, le poignard à la main, il attendit.
    Scalabrino s’arrêta aussi, comprenant l’intention de Roland.
    L’attente ne fut pas longue !
    Roland vit le sbire qui rampait vers lui.
    Son bras, d’un geste foudroyant, se détendit, et c’est alors que l’on entendit ce râle sourd de l’homme qui expire.
    Alors, pâle mais calme, Roland se tourna vers Scalabrino et dit :
    « Maintenant, le boyau est bouché !…
    – En route ! » répondit Scalabrino.
    Ils s’avancèrent alors en rampant ; cela dura une minute environ. Derrière eux, ils entendaient les hurlements de rage des sbires.
    Tout à coup, Scalabrino se dressa debout. Le boyau montait droit vers les toits.
    Scalabrino se mit à monter en s’accrochant à des crampons de fer qui avaient été disposés jadis le long des parois de cette sorte de puits. Bientôt tous les deux se trouvèrent sur le toit de la maison voisine. Ils s’avancèrent à plat ventre le long de la bordure. En penchant sa tête dans le vide, Roland vit une foule sur le quai. Cette foule grondait et quelques cris de « Mort aux archers ! » montèrent jusqu’à lui.
    Tout à coup, Scalabrino disparut : il venait de s’enfoncer par une lucarne dans un grenier. Roland l’y suivit.
    Scalabrino ouvrit une porte, descendit rapidement un escalier, et cinq minutes plus tard, ils se trouvaient tous les deux dans une ruelle écartée, silencieuse, déserte et noire.
    Alors Scalabrino eut un gros rire de satisfaction.
    « Lorsque j’ai songé à établir ce passage pour m’assurer une fuite à tout hasard, il y a plus de dix ans de cela, je ne songeais guère qu’il devait un jour servir au fils du doge alors régnant…
    – Ce qui prouve, Scalabrino, que tu es un homme d’ordre et de méthode.
    – Bah ! monseigneur, je fais comme j’ai vu faire aux renards de la montagne, voilà tout. Ils se terrent dans un trou, mais ils ont toujours soin de s’ouvrir une porte de derrière.
    – Partons… et chemin faisant, raconte-moi ce qui t’est arrivé et comment tu t’es trouvé à point nommé pour me montrer l’issue de ce terrier. »
    On nous permettra de nous substituer à Scalabrino dans ce récit qui, nous osons espérer, est attendu par le lecteur avec la même curiosité que par Roland. En effet, si le bon géant a su inspirer quelque sympathie, on n’aura peut-être pas oublié que nous avions dû le laisser dans une situation fort critique.
    Pendant que le patron de l’auberge de
l’Ancre d’Or
et Sandrigo se penchaient sur le couvercle de la trappe pour surprendre le dernier cri d’agonie du malheureux précipité dans la cave inondée, Scalabrino, repoussé peu à peu par l’eau qui montait, s’était réfugié jusque sur la dernière marche de l’escalier.
    Il avait d’abord résolu d’en finir en se laissant couler à fond et s’était jeté à l’eau.
    Alors l’instinct de vivre avait amené un soudain revirement dans son esprit, et il s’était mis à nager autour de la cave.
    L’eau était montée presque jusqu’au plafond.
    En sorte que Scalabrino, en rasant la muraille, finit par se trouver au niveau de l’ouverture grillée par où l’eau se précipitait et il s’était cramponné aux barreaux.
    La secousse qu’il imprima au fer lui fit pousser un rugissement d’espoir fou. En effet, il avait senti que les barreaux tremblaient dans leurs crampons. Ces barreaux étaient vieux, usés, limés par la rouille.
    Scalabrino s’arc-bouta sur ses genoux et commença à tirer sur le fer. Sa force herculéenne, décuplée par l’imminence du danger, entreprit la besogne impossible.
    Ce fut, pendant quelques minutes, une lutte tragique de cet homme cramponné aux barreaux qu’il attirait, ployait, brisait par des secousses frénétiques.
    L’un des barreaux céda.
    Scalabrino essaya de passer.
    Il passa !
    Mais ce qu’il allait tenter était effroyable.
    L’ouverture communiquait directement avec le canal.
    Une fois levée, la plaque de fer que manœuvrait le Borgne, c’était le canal lui-même qui se précipitait dans la cave.
    Scalabrino, en passant, se trouva donc au fond du canal, ayant à remonter une sorte de courant ou de tourbillons qui faisait trombe.
    Il s’élança d’un effort de tout son être, en retenant sa respiration.
    Il lui sembla que quelque démon le tirait par les pieds, tandis qu’il s’efforçait

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